L’Espace des arts de Chalon-sur-Saone présente jusqu’au 7 octobre 2023 le spectacle de Cléo Sénia et Léna Braban Music-hall Colette, inspiré de la vie de la célèbre écrivaine française aux origines bourguignonnes, qui fit ses débuts sur les planches des cafés concerts, des théâtres et, bien entendu, des music-halls.
La pièce débute par la projection, à même le rideau à franges cabaretier fixé à l’avant-scène, d’un film d’archives montrant les obsèques nationales de Colette en 1954, une cérémonie laïque – l’Église de Monseigneur Feltin ayant refusé de célébrer l’événement – qui s’est déroulée au palais royal, le dernier domicile de l’auteure de la série des Claudine, du Blé en herbe et de Gigi. Participèrent à l’événement officiel Jean Cocteau, en voisin et Roland Dorgelès qui fit l’éloge de Colette femme de lettres.
Pour le reste, la saltimbanque, Cléo Sénia se charge plus d’une heure durant de l’incarner en un one woman show extrêmement divertissant. Elle a vite fait de laisser tomber l’accent du terroir, qui, comme ce mot, est à base de « r », alterne monologues, dialogue avec l’image de Claudine (posant en col « Claudine ») reprochant à sa génitrice toutes sortes de choses, chante et danse avec allant et talent. La vie, pour partie, on la connaît. Elle amusa la galerie, celle des premières loges qu’avaient coutume d’occuper les apaches parigots qu’elle qualifiait de « barbeaux », de 1900 et des poussières (1906). Elle scandalisa aussi en embrassant sur la bouche et sur les planches sa maîtresse Missy, marquise de son état (en 1907).
Ses amis des deux sexes et ses trois maris l’aidèrent à s’élever dans la société en général et celle des gens de lettres en particulier. Cléo Sénia et Léna Bréban, qui ont résumé sa biographie, estiment en centaines de milliers d’euros actuels ce que rapportèrent en leur temps les Claudine. Elle, qui avait dû quitter sa maison d’enfance avec ses parents ruinés, se rattrapa en achetant de l’immobilier dans les meilleurs emplacements – on dirait « spots » de nos jours. Elle sauva son troisième mari, juif, de la déportation grâce à son entregent.
On sait moins qu’elle fut aussi une critique d’art futée et affûtée, comme nous l’a rappelé Jean-Pierre Léonardini, présent à Chalon. Odette et Alain Virmaux ont réuni ses articles dans Billets de théâtre. Elle passe en revue les pièces des années vingt, celles de Guitry mais aussi, étonnamment, la mise en scène Les Cenci d’Artaud, qu’elle fut l’une des rares à défendre. Elle décrit le nouveau prodige des Ballets russes, Massine qui, dans le Sacre, « ce brasier tisonné par Stravinsky » fait montre « d’un panache de gestes, d’un commentaire dansé, mystérieuse passerelle entre le plaisir de l’oreille et celui des yeux. »
Visuel : Léna Bréban et Cléo Sénia à l’Espace des arts, photo © Nicolas Villodre