Olivier Py est devenu le directeur du Théâtre du Châtelet, avant, il était à la tête du Festival d’Avignon, ou de l’Odéon, et toujours, toujours, son double diva ne l’a jamais abandonné. Aujourd’hui, il rechausse ses talons de douze et sa perruque pour que Miss Knife en personne parle de ce qu’elle préfère : les hommes, l’amour et la mort.
En interview il y a quelques jours, Olivier Py en Miss Knife répondait à la question : « Mais que va nous montrer Miss Knife ? » Et il en elle ou elle en lui a répondu : « Mourir, bien sûr mourir sur scène, mourir sur scène, c’est mourir. C’est la punition de la mort. C’est pour ça que c’est plus grand que tout. Chanter des chansons avec juste un piano, qui est une version beaucoup plus serrée que ce que j’avais fait avec mon petit cantante de jazz. Ça me semble encore plus difficile que le cantante de jazz, on est encore plus dénudé. Plus je vieillis, plus je me dénude, c’est formidable, tout du moins vocalement… »
C’est exactement cela qu’est Miss Knife depuis les années 1990, elle meurt sur scène en dévoilant toutes ses amours qui sont mortes avant que d’exister.
Elle arrive donc pour la première fois de sa (longue) carrière en robe courte. Elle est devenue une ballerine, elle qui pleure son « arlequin ». Tutu noir sur corset pailleté. La perruque, elle aussi, est courte, blonde.
Comme depuis que Miss Knife est Miss Knife, elle commence par La Vie d’artiste qui est « l’errance, l’obscurité, la misère, mais (qui) est la dernière chance, de tutoyer l’univers. »
Pour ce récital, elle nous reçoit dans son salon, au Châtelet, seulement accompagnée au piano d’Antoni Sykopoulos, génial pianiste et génial ténor. C’est à une version sensible de Miss Knife que nous assistons. Elle qui est ce « funambule » qui danse « sur le malheur avec un air coquin ».
Toujours, elle y croit, à ce garçon si beau, à ce regard si amoureux, mais jamais cela ne fonctionne. Un jeune « gauchiste de 25 ans », devenu ce vieux mec qui traîne toujours dans « les cafés du Ve ».
Toujours en interview, elle nous parlait de ce moment si intense, celui où elle enlève sa perruque, le menton fier et la nuque en arrière. Elle nous disait : « Quelqu’un m’avait dit dans les premières de Miss Knife “Le moment où tu fais ça, là, on atteint la métaphysique”, et je trouve que c’est sans doute vrai. »
Laissons le religieux de côté, mais gardons le goût du coup de théâtre. C’est ce geste-là, pur, qui résume en une seconde ce qu’est le cabaret travesti. C’est là que la misère planquée sous les ors se révèle. Elle le fait sur Le rôle est trop court, l’une de ses chansons les plus dures sur, encore une fois, la vie d’artiste qui est « sourde et obscène ».
En 17 chansons et un rappel, tout Miss Knife est là, peut-être un peu plus désabusée qu’avant, pour ne pas dire résignée, surtout quand elle affirme dans Les Ailes noires : « Moi, tu vois, je n’ai plus rien, pas de regret, et pas d’espoir. »
Mais jamais, l’angoisse et la mort ne l’empêchent d’être vivante et pleine d’humour. Bien accompagnée par son pianiste, elle sait battre des faux cils tant qu’ils tiennent encore pour s’offrir les saluts qu’elle, reine, mérite, et pour nous faire rire avec son truculent Tango du suicide.
Jusqu’au 12 novembre au Châtelet.
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Visuel : ©Thomas Amouroux