Dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris, le CentQuatre propose Mellowing, la pièce minimale de Christos Papadopoulos. Une pièce douce dans ses sonorités et ses répétitions qui offrent une réflexion sur la danse.
Le spectacle commence, la danseuse Jone San Martin entre en scène, sans musique. Le silence. Il n’est pas rare que danser sans musique permette de faire entendre le corps. Le corps qui saute, qui tombe, qui tourne, qui évolue à même le sol, qui croise d’autres interprètes. Ici, rien. Le silence. On n’entend pas Jone San Martin, mais on la voit. On la voit, et on la perçoit comme une ombre chinoise qui se projette sur l’espace scénique intégralement blanc. Sa chorégraphie consiste à avancer grâce à un jeu de jambes inspiré des mouvements de la marche. Les autres danseurs entrent en scène et ensemble, ils se rendent compte de l’existence du son, et l’envie de mouvement qu’il pouvait stimuler.
L’entrée de Jone San Martin, qui semble être une ouverture, est en réalité le spectacle. Les deux tiers de Mellowing sont exclusivement dansé par ce jeu de pied qui est décliné à l’infini, parfois de manière imperceptible si le regard ne s’arrête pas précisément sur un danseur. Les jambes restent droites, le haut du corps ne bouge pas, les bras sont posés le long du buste. Seuls les pieds sont en mouvement. Cette verticalité, soutenue par la permanente immobilité du buste, permet de tenir du regard les spectateurs. Pas comme une sorte de défis, mais comme un regard fixe et affirmé. En chaussettes, les pas produisent une sonorité ronde. Malgré l’électro de Coti K., le son semble duveteux. Ça tombe bien, Mellowing signifie maturation, adoucissant, apaisant. Il vient du terme Mellow, qui se traduit par moelleux.
Mellowing témoigne d’un niveau élevé de concentration pour tenir près d’une heure la cadence des jambes, de leur répétition, la droiture du buste, et le répertoire sans fin des pas de pieds, leur rythme, levé, posé, entre posé, demi pointe. Ce jeu est imperceptible si on regarde le haut du corps, mais très fin et concentré si on baisse le regard. La danse est minimale en termes de mouvement individuel, car les pas sont réduits aux pieds et leur déploiement dans l’espace ne dépasse pas celui des jambes. La répétition donne à l’ensemble un aspect d’électrons libres, d’atomes individuels. Pourtant, la notion de groupe est très forte. Le spectacle forme l’idée du groupe en délimitant chaque individualité : les interprètes ont le même haut du corps, mais les mouvements de jambe différent.
Un spectacle minimaliste, qui fonctionne, car il soulève tout un tas de questions sur la danse : le haut et le bas du corps, le son, la forte présence du personnel dans une danse linéaire, de groupe. En somme, Mellowing pose plusieurs questions sur la danse, le spectacle et l’épure.
© Jubal Battist
20 > 22.03.2025, dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris
Chorégraphe Christos Papadopoulos
Directeur artistique Dance On
Ensemble Ty Boomershine
Interprètes Ty Boomershine, Javier Arozena, Alba Barral Fernández, Anna Herrmann, Emma Lewis, Gesine Moog, Miki Orihara, Tim Persent, Jone San Martin, Marco Volta, Lia Witjes Poole
Assistant chorégraphe Georgios Kotsifakis
Musique Coti K
Lumières Eliza Alexandropoulou
Costumes Werkstattkollektiv
Directeur technique Martin Beeretz
Son Mattef Kulhlmey
Directrice de production Hélène Philippot
Coordinatrice de production Anastasia Luck
Distribution Fauves – agency for the performing arts
Production DANCE ON / Bureau Ritter
Coproduction Centre Culturel Onassis Stegi (Athènes), Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape / Direction Yuval Pick (dans le cadre de l’accueil-studio)
Soutiens Hauptstadtkulturfonds avec le soutien du NATIONALES PERFORMANCE NETZ International Guest Performance Fund, financé par le German Federal Government Commissioner for Culture and the Media
Tournée 2025
12 avril Osterfestival Tirol (Autriche)