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Médée réhabilitée dans le génial « Ruination » de Ben Duke au Théâtre de la Ville !

par Chloe Coppalle
26.01.2025

Quand on sort de Ruination, on comprend qu’il va être difficile d’écrire. Pourquoi ? Parce que tout fonctionne. Le spectacle est juste génial. Audacieux, jeune, construit dans le détail, Ben Duke repense le mythe de Médée, héroïne barbare que la mythologie décrit comme assassine et monstrueuse.

 

Médée : coupable ?

Médée est la fille du Roi Eétès. Ils vivent à Colchide. Un jour, ils voient débarquer Jason, venu récupérer la Toison d’Or car il en a besoin pour remonter sur le trône volé par son oncle, Pélias. Mais Eétès refuse de céder son trésor, et lui invente trois épreuves insurmontables pour s’en débarrasser : dompter deux énormes taureaux qui crachent du feu par les narines, les forcer à labourer un champ et enfin, affronter une armée de guerriers féroces. C’était sans compter sur Médée qui tombe amoureuse du jeune homme et qui va l’aider à surmonter les épreuves. Pour la première, elle lui donne un onguent lui permettant de survivre aux flammes. Sans son aide, Jason serait mort. Une fois les épreuves réussies, il lui propose de le suivre et de l’épouser. Pour fuir son père et par amour, elle accepte et ira jusqu’à tuer son propre frère afin de ralentir son père, parti à ses trousses. Après dix ans d’amour, Jason la délaisse et se remarie avec Glaucé. Médée sera accusée d’avoir assassinée cette nouvelle épouse, et plus tard, ses propres enfants.

 

Mais Ruination pose la question : est-elle réellement coupable de tous les crimes dont on l’accable ou son accusation sert-elle à valoriser le personnage masculin ? L’opposition entre l’héroïque Jason contre l’indomptable et furieuse Médée ne sert-elle pas à construire un masculin fort, guerrier, qui domine sentimentalement, et un féminin passionnel construit dans l’explosion des émotions ?

 

Ruination : une pièce actuelle et moderne

La pièce commence directement aux Enfers. On est accueilli par Hadès (Jean-Daniel Broussé), Dieu des Enfers qui s’occupe de la réception. Tout le monde est mort. Jason demande un jugement dernier contre Médée : comme elle a tué leurs enfants, il veut récupérer leur garde dans l’au-delà. Heureusement aux Enfers, chacun peut encore être défendu. Alors, malgré la stupéfaction de notre héroïne, le procès va commencer.

 

Jean-Daniel Broussé nous plonge tout de suite dans la pièce avec un humour cynique et bien pensé. On se moque des services clients téléphoniques dont la nature laborieuse nous tend, des formulaires à remplir, des ras-le-bols administratifs. Il nous accueille avec son look décalé en jupe en tulle. Quand il joue les avocats de la cour avec la charismatique Anna-Kay Gayle (Perséphone, femme de Hadès et Reine des Enfers), leur tailleur moderne rose pétant, donne un côté cool au vestiaire, et tranche avec les couleurs noir et blanc de la pièce. La mise en scène est moderne, le début est drôle. On comprend vite qu’on va passer un bon moment.

 

Si le théâtre tient une place centrale, il partage la narration avec la danse, qui raconte avec un grand lyrisme les épreuves imposées à Jason, les luttes, les fougues, les désirs, les corps. Mais aussi l’émotion. Cette dimension qui ne dépeint Médée que par l’extrême : la fureur et la passion. Ruination ponctue le mythe d’une variété plus fine et plus profonde de sentiments. La peur, l’envie de fuir, le désir, la joie, l’incompréhension, le courage, la tristesse … Ben Duke rappelle que Médée fut délaissée par son mari après dix ans de relation et deux enfants. Il lui redonne l’espace pour l’expression de ses émotions en les rendant légitimes. Parallèlement, il repense la figure virile et infaillible du héro, portée par la mythologie. Si Jason meurt écrasé par la proue du bateau, c’est parce-qu’il chantait narcissiquement des chansons à sa gloire, ivre. Pour souligner le caractère schématique et manipulateur du personnage masculin, Ben Duke montre Jason (Liam Francis) séduire Médée puis Glaucée d’exactement la même manière, et les actrices Hannah Shepherd  (Médée) et Maya Carroll (Glaucé) jouer la même réaction à cette parade.

 

Questionner nos fondations pour construire des représentations plus justes

 

Le mythe a été écrit au 5ème siècle av. J-C, puis diffusé à grande échelle, notamment à l’époque contemporaine par Les Métamorphoses d’Ovide, publiées en l’an 1. Le texte a donc au minimum 2000 ans. Pourtant, Les Métamorphoses ne semblent pas du tout être anachroniques, surtout quand elles sont lues en 2010 avant le mouvement #MeToo. Ces textes sont considérés comme fondateurs. Peut-être qu’ils nous un peu trop fondés, notamment dans les stéréotypes manichéens et les conceptions misogynes qu’ils nous ont légués. Et si on les déconstruisait, peut-être que nos mondes changeraient ?

 

On retrouve dans Ruination l’univers scénique de Ben Duke : la structure de la danse-théâtre, la pièce inspirée de la mythologie ou d’un classique littéraire, l’humour, l’emploi du masque. Le texte est très très bien écrit et la pièce très très bien jouée. La scénographie est pensée dans le détails, tout est bien structuré. Dans le théâtre classique, la couleur des costumes dépend du caractère du personnage. Médée salut en blanc.

 

Vraiment : bravo !

 

© Camilla Greenwell 2022

 

Production exécutive Lost Dog – Daisy Drury.
Production Lost Dog – Emma Evans.
Coproduction Royal Ballet, Londres – Lost Dog.

 

Mise en scène Ben Duke

 

Conception Ben Duke et la Compagnie
Assistant à la mise en scène Andreea Paduraru
Assistant à la chorégraphie Winifred Burnett-Smith
Décor Soutra Gilmour
Direction musicale Yshani Perinpanayagam
Lumières Jackie Shemesh
Vidéo Hayley Egan
Son Jethro Cooke
Dramaturgie Raquel Meseguer Zafe

 

Avec Miguel Altunaga, Jean Daniel Broussé, Maya Carroll, Liam Francis, Anna-Kay Gayle, Hannah Shepherd-Hulford et les musiciens Sheree DuBois, Keith Pun, Yshani Perinpanayagam