Maxime d’Aboville, moliérisé en 2022 pour son rôle dans Berlin Berlin reprend le flambeau de Michel Bouquet dans l’écrin du théâtre Hebertot. Son Bitos est déjà cult.e !
Avec la pièce Bitos, nous quittons le monde des sacrifiés. Loin d’Antigone, Anouilh nous fait pénétrer dans le monde cruel, et si théâtral et honteusement jouissif des sacrificateurs. Radicalement contre-révolutionnaire, c’est une dérangeante satire bourgeoise.
André Bitos, fils d’une blanchisseuse et seul élève boursier d’une école catholique, subit les sinistres plaisanteries des autres élèves. Ceux-ci, issus de la bonne société, lui reprochent son origine simple, mais surtout ne lui pardonnent pas d’être le premier en tout.
Il est organisé un traquenard, un diner de têtes dont le thème choisi sera la révolution française. Maxime sera Saint Just et ses invités seront Danton, Camille et Lucile Desmoulin ou Mirabeau. L’invité vedette à la façon du diner de cons sera Bitos qui campera Robespierre.
Aristocrates décadents, bourgeois désinvoltes, ils détestent tous l’ancien bon élève de leur école devenu un magistrat arrogant, sectaire et à la libération un impitoyable justicier pour celles et ceux qui ont humilié la France ; après avoir humilié Bitos, gauche encore, mais bien décidé lui aussi à se venger. Pauvre Bitos, il sera broyé par les bons mots, les mensonges et l’alcool de ses faux amis. Avec lui, le totalitarisme de Robespierre, qui a tant inspiré Lénine, sera disséqué. Dans un parallèle avec la Terreur, Bitos/Robespierre fait régner la répression au lendemain de la Libération en devenant un agent cruel. La révolution accouche parfois de la tyrannie. La démonstration est brillante, implacable, dans une langue magnifique. La révolution accouche parfois de la tyrannie. La démonstration est brillante, implacable, dans une langue magnifique.
À sa sortie en 1956, l’Humanité écrit que la pièce défend la mémoire de Pétain avec le langage de Poujade !
Dans mon théâtre, il n’y a qu’une pièce où je me suis vraiment amusé, c’est une pièce qui a fait scandale à l’époque, c’est Pauvre Bitos. Là, j’étais très content ! » Jean Anouilh,
La mise en scène de Thierry Harcourt est belle et efficace, elle crée un élégant opéra littéraire au sein duquel chaque comédien, chaque comédienne émerveille dans une partition de solos d’excellence. Maxime d’Abboville qui ose succéder à Michel Bouquet dans le rôle titre, y est extraordinaire, hilarant, innovant, déjà légendaire.
Face à lui, mention spéciale pour Etienne Ménard qui joue un Danton, miroir effroyable d’un odieux Robespierre.
Pauvre Bitos – Le Dîner de têtes
Une pièce de Jean Anouilh en collaboration avec Nicole Anouilh Mise en scène Thierry Harcourt Avec Maxime d’Aboville, Adel Djemai, Francis Lombrail, Adrien Melin, Etienne Ménard, Adina Cartianu, Clara Huet et Sybille Montagne
Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles 75017 Paris
Crédit photos Bernard Richebé