Anne-Marie Lazarini a imaginé une pièce de théâtre hommage à Pierre Dac. Quelle formidable idée de nous faire re-découvrir l’univers de l’Os à Moelle à l’humour si actuel, et si nécessaire. Un humour qui a germé avant la catastrophe.
Le 13 mai 1938, les Français découvrent un nouvel hebdomadaire singulier, quatre pages entièrement dédiées au non-sens. L’os à Moelle rentre rapidement dans la légende. Les cent mille premiers exemplaires s’arrachent dans la journée. En 1939, le journal se mobilise et ne manque pas d’attaquer Hitler. Le 31 mai 1940 sera la dernière édition normale. Pierre Dac issu d’une modeste famille juive d’Alsace fuit Paris. Après 109 numéros, le 7 juin 40, l’ultime numéro parait réduit à 2 pages. Le roi des Loufoques (son surnom, le mot loufoque vient de l’argot des bouchers, le louchébem, et signifie fou) évoquera avec la force de son humour la disparition de l’hebdo :
Ce qui m’est arrivé est parfaitement logique. Il est bien connu que l’Os à moelle se décompose au contact du vert de gris !
Anne-Marie Lazarini a imaginé une pièce de théâtre sous la forme d’une conversation autour de la réminiscence du grand homme et de ses mots et aphorismes. Jacques Pessis résume le propos :
L’Os à moelle était novateur. Il est devenu intemporel. Bien des humoristes d’aujourd’hui ont, en eux, quelque chose de Pierre Dac. Ce qui démontre, comme il le disait si justement, que rien de ce qui est fini n’est jamais complètement achevé tant que tout ce qui est commencé n’est pas totalement terminé.
Pierre Dac, sorte de Woody Allen français donc libertaire maitre de la rhétorique, puise son humour dans l’observation amusée de la petitesse de ses contemporains
Ce n’est pas parce qu’en hiver on dit « fermez la porte, il fait froid dehors », qu’il fait moins froid dehors quand la porte est fermée.
Celui qui dans la vie est parti de zéro pour n’arriver à rien dans l’existence n’a de merci à dire à personne.
Les mots de Pierre Dac, éditoriaux, reportages, recettes de cuisine, et surtout petites annonces sont dégustés dans un dialogue joyeux entre les comédiens et entre les comédiens et le public. Emmanuelle Galabru devient Pierre Dac avec gourmandise. Quel plaisir de voir son partenaire sur scène Cédric Colas toujours parfait. Le comédien, précieux, fut le malicieux prétendant Pétruchio dans La mégère apprivoisée mise en scène par Anne-Marie Lazarini. On se souvient aussi de son sens du rythme et de son engagement physique dans le Fil à la Patte de Feydeau mis en scène par Catherine Jacob. Il offre au texte sa douce folie.
Et puis il y a l’immense bonheur d’entendre la voix de Michel Ouimet, et de savourer le sourire en coin de celui qui sera pour toujours le fantasque professeur de la leçon d’Ionesco. Sa nature comique colle intimement à celle de Pierre Dac. Ouimet prince de l’absurde est mémorable, une fois encore.
L’Os à Moelle
Texte : Pierre Dac
Avec : Cédric Colas, Emmanuelle Galabru, Michel Ouimet
Mise en scène : Anne-Marie Lazarini
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