Rue de la Huchette, entre la foule hétéroclite des touristes de l’été, se réunissent des amoureux d’histoire et de théâtre, pour découvrir l’histoire mythique et mal connue du radeau de la Méduse. Plaisir garanti.
Nous nous retrouvons au théâtre de la Huchette, dans la rue du même nom, au centre du quartier Saint-Michel. Les touristes se pressent sous leurs parapluies. Les bourrasques humides succèdent aux éclaircies aveuglantes. Les restaurants hèlent le chaland. L’ambiance est au mois d’aout. Comme décalée, une queue se forme devant le théâtre. La salle parisienne est connue pour sa programmation ininterrompue (et toujours aussi fréquentée depuis leur création en 1952) des deux pièces d’Ionesco, La cantatrice chauve à 19:00 et La leçon à 20:00.
Elle programme à 21:00 Les secrets de la Méduse. Et telle la gorgone, le mystère de ce radeau de la méduse est captivant aussi qu’effrayant.
Nombreux sont ceux qui connaissent le chef-d’œuvre de Théodore Géricault Le radeau de la Méduse, mais peu connaissent la succession d’évènements tragiques qui conduisirent à ce terrible naufrage. Pierre-Laurent Coste est l’un des survivants. Et il a beaucoup de révélations à faire. Geoffrey Callènes sera Pierre-Laurent Coste. Il entre dans un trait de lumière. Son physique imposant, son costume issu des soutes d’un bateau, appellent au voyage. Le comédien, pour compléter, est riche d’une voix profonde et chaude. Il nous invite à découvrir la flotte bigarrée et attachante des matelots de la frégate La Méduse. Il est Coste le narrateur et incarne avec un talent fou tous les autres personnages. Nous voyageons une grosse heure au milieu de l’océan. Nous allons découvrir, nous allons tout voir par le talent du comédien et nous allons apprendre.
La force de la pièce écrite par Geoffrey Callènes et Antoine Guiraud se constitue dans un engagement total. Le public est saisi, bouche bée, devant ce film mental projeté en nous par l’interprète. Le texte nous laisse en tension. La salle est envahie par l’émotion ; circulent entre les fauteuils l’émerveillement, la terreur, la peur, la colère, l’indignation et un attachement mélancolique, car anachronique avec des marins morts au début du 19ᵉ siècle.
Cette formidable proposition sera l’occasion de voir ou de revoir les deux chefs-d’œuvre d’Ionesco. Deux pièces d’une d’heure. La Cantatrice Chauve est une critique de la société contemporaine bourgeoise tandis que dans La Leçon, un professeur timide, mais psychopathe, se bat contre une élève insolente, aussi bête qu’orgueilleuse. La troupe est un concentré de talents irrésistibles. Les rires fusent. Un bravo tout particulier pour l’immense Michel Ouimet. Le théâtre de la Huchette de Franck Desmedt offre une chance unique de voir les deux pièces à la suite, car émergent ainsi la drôlerie d’Ionesco, l’humour de son ambition dramatique et la secrète raison de son absurdité. La vie, vaut-elle d’être vécue autrement qu’au sein de la folie des Smith, des Martin ou du professeur de la Leçon, folie qui seule préserve de la radicale mélancolie de notre condition humaine.
À voir en préambule à la Méduse pour une soirée inoubliable.
Les Secrets de la Méduse
De : Geoffrey Callènes & Antoine Guiraud
Avec : Geoffrey Callènes
Mise en scène : Antoine Guiraud assisté d’Emilien Fabrizio
Costumes : Corinne Rossi
Lumières : Rémi Saintot
Régie : Yves Thuillier
Durée : 1h25
Crédit Photo © GC