C’était la première hier soir de la nouvelle pièce de Christian Hecq et Valérie Lesort : Les sœurs Hilton. Un grand cirque de la vie, un peu languissant avec quelques éclats de beauté.
Nées à Brighton en 1908 d’une mère célibataire qui les abandonne, deux sœurs siamoises, unies par le bas de leur colonne vertébrale, trouvent un toit chez la femme qui les a accouchées. Mais ce n’est pas la générosité humaine qui motive Mary Hilton. Dès leur plus jeune âge, elle exhibe Daisy et Violet sur scène et les élève comme des bébés stars, prêtes à chanter et danser pour devenir de véritables phénomènes de foire. Elles auront une carrière internationale où elles danseront à Broadway, tourneront dans un film (le cultissime Freaks de Tod Browning) et côtoieront le danseur Bob Hope et le magicien Houdini. Elles auront des maris, un enfant, et gagneront un procès pour obtenir leur indépendance. Néanmoins, elles ne réussiront jamais vraiment à prendre le contrôle de leur vie et mourront quasi en même temps, âgées, dans la misère.
Derrière le velouté d’un rideau qui tombe et les projecteurs du temps qui défilent, avec 4 comédien.ne.s et 2 musicien.ne.s, Christian Hecq et Valérie Lesort proposent une mise en scène léchée, comme à leur habitude : tout est rouge sur cette grande piste de cirque où les scènes burlesques, les chansons et les tours de magie se succèdent comme des tableaux. Dès l’accouchement, Christian Hecq séduit son public, qui retrouve en lui cette cruauté truculente, un brin Deschiens, comme dans sa géniale composition de La Mouche. C’est visuellement assez beau, avec des idées originales pour évoquer les transports et l’espace, la scène, ainsi que les coulisses, depuis une boîte à malice. La musique est belle et dépareillée, les chorégraphies de Yohann Tête sont inventives, et on adore Hecq aux cuivres. Néanmoins, on ne comprend pas l’angle sur le phénomène de foire. Le spectacle ne génère aucune émotion, sauf peut-être celle de la séparation dans le dernier tableau. On s’ennuie un peu, regrettant que ce duo génial semble, cette fois-ci, être passé mélancoliquement à côté de son sujet.
Les sœurs Hilton, texte de Valérie Lesort, mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort, avec Yann Frisch, Christian Hecq, Valérie Lesort, Céline Milliat-Baumgartner, Renaud Crols, et la participation de Monika Schwarzl, en alternance avec Claire Jouët-Pastré. Durée : 2h45.
Visuel : © Fabrice Robin