Les créatures du cabaret Madame Arthur prennent leur quartier d’été au cabaret Le Rouge Gorge pour un show aussi pointu qu’un escarpin sur les tubes de l’opéra.
La recette est la même depuis l’ouverture du lieu en 1946 : de l’humour, du travestissement et du talent. Madame Arthur vous emmène à l’opéra applique ses ingrédients mythiques et les applique, vous vous en doutez, aux grands tubes lyriques. Odile de Mainville, la Baronne du Bronx, Androkill, Martin Poppins et, au piano, Cosme Mac Moon prennent la scène comme si leur vie en dépendait. Cils surdimensionnés, perruque et talons hauts, elles chantent juste, jouent juste, dansent juste. Toujours, elles cassent le beau avec le kitsch – ou bien est-ce l’inverse ? –, elles mettent du kitsch dans le beau. On dit « elles » pour « créatures » mais la troupe est très fluide : hétérote, gay, trans ou autre, toustes ont leur place là.
Dans ce monde entre les mondes, nous flottons à la vue de la danse d’Androkill, elle est légère et ancrée, elle se pare de références claires à Loië Fuller dans sa danse serpentine en incarnant le Lac des cygnes sur pointes, les bras subtiles jusqu’aux doigts. Il y a le talent monstre de Martin Poppins qui nous fait certes marrer tout le temps, qui nous montre son beau cul, mais qui nous chavire aussi en monstre freak chantant « l’Air du froid » de Purcell. Quand Odile de Mainville s’empare du « Lamento della ninfa» de Claudio Monteverdi, on glisse dans le baroque en une seconde. Quand la Baronne du Bronx décale la beauté dans un « Papagana » qui devient « Patriarcat ».
L’ensemble est super cohérent, entre grands éclats de rire et immenses talents. Tout y passe, de Bizet à Delibes. On réalise évidemment que l’on connaît ces tubes par cœur. Il est passionnant de voir Madame Arthur se décadrer en s’attaquant au lyrique. C’est vrai qu’on les attend plutôt sur de la chanson française (ou québécoise !). Madame Arthur vous emmène à l’opéra est une récréation intelligente, drôle, queer et un peu interactive qui fait du bien dans un festival très intense. Iels sont des monstres de talent, allez-y !
Jusqu’au 21 juillet à 22 h 25, durée 1h10, au Rouge Gorge.
Retrouvez tous les articles de la rédaction sur le Festival d’Avignon ici.
Visuel : © ABN