Du 20 au 22 novembre 2025, le Théâtre national de la danse de Chaillot accueille Les Oiseaux, la nouvelle création de la chorégraphe Lenio Kaklea. Inspirée à la fois de Les Oiseaux d’Aristophane et de l’essai Habiter en oiseaux de Vinciane Despret, la pièce explore le comportement des oiseaux en mêlant l’humain et l’animal à travers sept danseurs. Un spectacle immersif et original qui ne laisse pas indifférent.
La pièce débute dans le noir, avec un premier danseur qui émerge de l’obscurité avec des mouvements onduleux de son torse qui nous évoquent son animalité. Cela nous plonge directement dans le thème. Une danseuse le rejoint, vêtue d’un pantalon orné de plumes, tandis que lui, assis, bouge la tête à la manière d’un oiseau. Peu à peu, les cinq autres danseurs apparaissent et commencent à créer une chorégraphie rythmée et répétitive, se croisant, se frôlant ou se rejoignant en duo ou en petits groupes. Si ces motifs répétés peuvent presque nous hypnotiser, ils apportent aussi un dynamisme à l’ensemble. Tous les danseurs portent des plumes, pour nous signaler leur nature hybride, et leur interprétation marquante renforce cette impression d’hybridité.
L’impression d’un monde vivant et autonome, régi par ses propres règles, s’installe dès les premières minutes du spectacle. La lumière du fond varie selon les actions sur scène et évoque un paysage abstrait, tandis que la musique mêle sons électro et enregistrements réalisés par le CNRS sur des colonies de millions d’oiseaux créant un environnement sonore immersif. La chorégraphie de Kaklea alterne entre des mouvements collectifs rythmés et des instants plus intimes et poétiques. Les passages en solo ou duo sont particulièrement forts, notamment un duo montrant deux danseurs dans une lente chorégraphie tactile et douce qui évoque une parade amoureuse aviaire. L’apparition d’un trapèze suspendu fait voler l’un des danseurs au-dessus de l’autre, renforçant ainsi la dimension aérienne du spectacle.
Mais c’est l’apparition d’un drone qui bouleverse l’équilibre du spectacle et capte notre attention. Cet objet volant métallique devient une présence inquiétante qui transforme l’atmosphère de la scène. Les danseurs le fixent, l’esquivent lorsqu’il fonce sur eux, interagissent avec lui de manière ambiguë en utilisant leur costume. Une danseuse se dénude partiellement tandis que l’appareil se place au-dessus d’elle, une autre danseuse agite ses plumes devant lui comme un défi. Les images sont filmées et projetées en direct, comme si l’on voyait le monde depuis le point de vue des oiseaux. On peut se demander si ce sont les oiseaux qui sont observés par la machine, ou si c’est la machine qui devient l’objet d’observation. Cela introduit une réflexion sur la surveillance et la domination technologique du vivant. Ce spectacle captivant et poétique interroge notre rapport au vivant et à l’autre, qu’il soit humain, animal ou technologique.
Visuel : © Albert Vidal