« Les Déshérités » de Yuming Hey, ou comment Platonov prend possession du Théâtre 14

Deux samedis de suite, le Théâtre 14 s’est transformé en domaine aristocratique russe. Le public était convié, carton à l’appui, aux festivités d’Anna Petrovna, la propriétaire du domaine. Avec comme invité de marque, bien sûr, Platonov. Et le surprenant Ossip, passager clandestin de ces agapes.

Un Platonov hors normes

Pour l’occasion, le plateau est tout d’abord recouvert de flamants roses gonflables en tout genre. En fond de scène, un buffet d’où le Champagne coule à flots, faisant perdre la tête à la scène comme à la salle.

Car, lors de ce Platonov hors normes, la frontière entre scène et salle est abolie. Les acteurs et actrices surgissent du fond de la salle, mais aussi du jardin attenant au théâtre ou font jaillir des confettis sur les spectateur.rices. Lesquel.les participent aux réjouissances en sirotant un verre le temps de l’entracte.

Entre ombre et lumière

Les chansons qui émaillent les neuf heures de spectacle entraînent pour leur part le public dans un flot de musiques pop, que l’on se surprend à entonner. Britney Spears, Madonna… les incontournables sont là et disent avec leurs sons et leurs mots l’ambivalence d’une gaieté de surface.

Cette esthétique enjouée et pléthorique, qui assume son identité kitsch, ne retire rien à la mélancolie profonde qui affleure chez Tchekhov et fait de ces fêtes un concours de faux-semblants. Le buffet pantagruélique se vide peu à peu, quand le rose flamant des débuts fait place à une gamme bien plus sombre. C’est dans ce décor ténébreux que Platonov boit, drague et baise jusqu’à plus soif.

Ces Déshérités sont aussi l’occasion de découvrir les nouveaux talents. Mention spéciale à Rose Xhan Nguyen Tiet Millot pour son Ossip ambigu, à la fois ombre et lumière.