« Les Cantiques du Corbeau », le solennel spectacle de Zingaro

Les Cantiques du Corbeau: une nouvelle dynamique

Au Théâtre de Zingaro, la trilogie des Cabarets de l’exil nous a habitués à des spectacles dynamiques qui racontent des histoires de peuples, souvent marginalisés comme les nomades yiddish pour Yiddishland ou forcés à l’exil pour Femmes Persanes l’année dernière. Des histoires d’Humanité à qui les murs ronds et chaleureux du Théâtre Zingaro rendent hommage dans un spectaculaire au sens propre et une beauté sans fard. Cette fois-ci, Bartabas s’empare de son propre répertoire littéraire pour présenter un spectacle plus intime. La mise en scène est intégralement portée par les textes de Bartabas joués à plusieurs voix, ponctués par des passages courts de chevaux ou de comédiens. Les Cantiques d’un corbeau sont une réflexion globale sur la vie originelle dans toute sa trivialité. Les rapports prédateurs-proie, la fragilité du vivant sur Terre, le poids de la mort, les odeurs d’urine, la brutalité la plus crue, la crudité la plus brutale. Dans cette réalité, les comédiens vont à l’essentiel : un long costume noir identique selon les genres, un projecteur sur les conteurs qui jouent seuls. À l’image du narrateur dans le livre, on ne sait pas vraiment qui ils sont. L’auteur ? Le corbeau ? Le minimalisme à son comble pour parler de l’essentiel : la force des éléments de la Terre et de la Nature. Nous, si petits au milieu de Tout.

L’équestre au cœur du minimal

La transposition est juste, elle donne à l’ouvrage une dimension sacrée, ponctuée d’images mentales qui viennent et qui s’en vont comme des souvenirs. Et l’équestre dans tout ça ? Cinq tableaux très courts, avec des ces chorégraphies de voltiges minimales. Alors que certains publics viennent à Zingaro en attendant un spectacle équestre dense, Bartabas est aussi connu pour un travail allant à l’essentiel et resserrant sa mise en scène comme Entretiens silencieux ou les spectacles de l’Académie équestre de Versailles. La proposition est plus solennelle que les puissants Cabarets de l’exil à la scénographie dense et entrainante. Ces dernières années, les histoires des Cabarets racontaient des quotidiens difficiles et rationnels, que Bartabas racontait avec un lyrisme et une poésie grandiose dans des spectacles fantastiques. L’histoire est racontée par la scène, au sens propre du terme. Tous la racontent : les musiciens, les voltiges, les directions des chevaux, les tableaux, les arrivées et les sorties, les traversées et les dialogues. D’ordinaire, ces derniers existent, mais font davantage partie d’un tout qui accompagne l’intrigue scénique pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Tout est éblouissant. On peut perdre la voix des acteurs, on comprend quand même. Les spectacles renvoient au registre du merveilleux. La contemplation du spectacle se suffit à elle-même, tellement les tableaux sont fantastiques, dynamiques, touchants. On sort silencieux de la beauté narrative que nous met plein les yeux Bartabas. Tout le public se retrouve tous auprès du feu, portés par un spectacle à l’humanisme pur.

Un spectacle radical au rythme différent

Ici, c’est le texte initial qui relève de l’imaginaire et le spectacle qui se concentre. Une inversion des rythmes dans laquelle on retrouve la touche d’humour qu’on aime tant à Zingaro comme avec les squelettes de médecine qui montent à cheval. Était également présente l’eau au centre de la carrière, qui avait très bien marché dans Femmes persanes en apportant un lyrisme particulier à l’ensemble. Les jeux de reflets dans l’eau apportent une poésie douce. Dans sa radicalité, Les Cantiques du Corbeau ressemblent à une lecture scénographiée et peuvent ralentir le rythme d’un spectacle qu’on pense davantage équestre.

À voir pour mise en scène solennelle et réflective.