Au sein de Théâtre Ouvert et ce jusqu’au 19 octobre, cette nouvelle pièce de Guillaume Cayet donne à vivre un récit stimulant, habité et juste.
Histoire d’une forêt détruite, pour un barrage qui aura le destin qu’il aura : à travers cette évocation d’un monde transformé par l’homme, la nouvelle pièce de Guillaume Cayet désire faire toucher du doigt la fin prochaine de ce dernier processus, qui a bien trop servi dans l’histoire humaine récente. D’emblée, on voit que ce n’est pas le théorique qui est mis au centre, mais le récit : l’écriture apparaît concrète, et précise. Des scènes sont dépeintes, racontées par un seul interprète, de manière à ce que les thématiques surgissent de l’action qu’elles s’attachent à faire voir. Les séquences dialoguées produisent le même effet. On aime notamment que tout commence avec le récit d’un chasseur désabusé, s’échinant à relater une dernière visite armée dans la forêt amenée à disparaître : un passage transcendant, qui ancre bien ce qui nous est conté sous le signe de la dramaturgie contemporaine, et dans tout le caractère ouvert de cette dernière.
Les trois interprètes trouvent juste la bonne hauteur pour mener et maintenir le texte au niveau qu’il semble vouloir atteindre : entre faits concrets abondamment décrits et dimension un peu mythique et mystérieuse. Ce mélange devant permettre aux grandes thématiques de fond, et aux méditations sur la fin d’un monde, d’émerger tout naturellement, sans que l’on sente, le plus souvent, quoi que ce soit d’appuyé. Ces trois actrices et acteurs – Mathilde Weil, Marie-Sohna Condé et Vincent Dissez – passent donc d’un réel tourné un peu en mode satirique à quelque chose de plus transcendé avec grande aisance. La dernière partie de la pièce met ainsi en scène une famille un poil caricaturée, exprès, à l’heure de nos périls actuels, une famille vivant près du fameux barrage. Or au cours des actes précédents, on a donc vu, à l’inverse, nos interprètes endosser des figures de chasseur quasi conteur d’épopée triste ou de filles ZADistes en passe de devenir des figures mythiques.
Reste à la mise en scène à ne recourir qu’à des effets discrets pour planter le cadre. Dirigée par l’auteur lui-même, elle nimbe littéralement les mots et ceux qui les prennent en charge d’un voile où l’on distingue davantage de mystère et de respirations que d’intentions appuyées. A ce titre, le travail sur la vidéo effectué par Salomé Laloux-Bard et Julien Saez apparaît parfait. Les teintes auxquelles elle et il ont recours marquent, notamment, tant elles n’imposent rien à l’œil du spectateur, et se font sobres autant qu’un peu esthétiques. Pensé avec subtilité, le spectacle fait au final sonner assez fort récit, idées, et bien entendu, questions.
A voir jusqu’au 19 octobre au sein de Théâtre Ouvert à Paris.
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Visuel : © Christophe Raynaud de Lage