« Le dernier jour de Pierre » : magnifique conte contemplatif au Off d’Avignon

Il fait froid et c’est l’hiver dans cette campagne silencieuse. Pierre marche, il est habillé de haillons. La neige tombe et il arrive au seuil d’un village accueillant. Pierre a le coeur simple et léger, son visage inspire le bonheur. Il va pourtant être la proie des pires visions : des Brèches Noires qui vont le poursuivre dans ses rêves, et dans une série de scènes surnaturelles et horrifiques… jusqu’à l’irréparable.

Image filmique hors du temps

Le dernier jour de Pierre est une aventure lente qui nous happe et nous transperce. Au milieu du plateau se trouve d’abord un grand castelet en bois majestueux qui va figurer, dans un espace restreint, plusieurs scènes où apparaissent 20 marionnettes, ainsi que des lumières et des décors aux détails stupéfiants. Le procédé est celui de la marionnette à fils longs, de différentes échelles, qui permet d’alterner entre des scènes de grand angle et de gros plan.

L’histoire elle-même semble hors du temps : celle de ce vagabond recueilli par de braves gens et qui retrouve la foi en l’humain, dans une atmosphère surannée d’un petit village perdu au milieu de nulle part. La part du fantastique est omniprésente, et c’est sans doute ce qui fait la singularité de ce spectacle. Car quand apparaissent ces rêves, sortis de nulle part, le grand castelet ne sert plus que d’arrière plan, et les monstres prennent toute la place au devant de la scène. La machinerie qui opère ce théâtre est entièrement cachée, ce qui nous immerge encore plus dans cet univers surprenant qui pourrait faire penser à celui de Tim Burton par endroits.

Magie éternelle

Baptiste Zsilina, créateur du Dernier Jour de Pierre s’en explique : « Il me semble que pour soulever des états d’âme universels chez le public, il faut épargner le spectacle de trop de références directes à l’époque actuelle, qu’elles soient visuelles ou contextuelles. Je trouve que la réalité contemporaine que nous traversons est déjà bien assez présente à travers les supports numériques, le cinéma, le théâtre documentaire ou réaliste. Ce n’est pas ce que je souhaite à l’endroit du théâtre magique. »

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a dans ce Dernier Jour de Pierre une part d’enfance qui se réveille en nous, spectateurs : à la fois émerveillés par les personnages de ce conte si maîtrisé, et horrifiés par les apparitions. Notre coeur oscille entre féérie et fantastisque. Et elles sont rares, les occasions de pouvoir retrouver ces sensations-là, elles sont mêmes inestimables.