Le cabaret de poussière balaie les codes du genre
par Camille Laurens13.10.2024
Révolté, cynique et si poétique à la fois, le cabaret de poussière fait vibrer presque toutes les cordes de votre arc-en-ciel émotionnel. Des numéros spectaculaires ponctués de tirades militantes aux allures de pamphlets anticapitalistes, le cabaret a encore de belles heures devant lui.
« Avertissement céleste, prodige »
Si vous pensiez venir vous caler dans vos fauteuils et vous en prendre plein les mirettes devant de jolies acrobaties lissées en plein cœur du quartier de Belleville, vous n’êtes clairement pas au bon endroit : ici le cabaret revêt ses habits d’étrangeté. Monstrueux, au sens latin du terme- « avertissement céleste, prodige » — le cabaret se revendique à la marge, car oui les créatures qui l’habitent se revendiquent comme des freaks, souvent pointées du doigt et rejetées et s’en délectent : faire partie du “groupe” non merci, Il vaut mieux-être en solo – ou en troupe – que mal accompagné. Et le cabaret dénonce fort : des migrants, aux politiques corrompues, au climat, en passant par les violences faites aux femmes, à la condition de la communauté LGBTQIA+, au racisme ambiant, tout y passe. Le maître de cérémonie, Martin Dust, vient enrober la dureté de ces propos (et de l’actualité) d’une voix suave et d’une bonne dose d’effronterie.
Blagues à l’acide et artistes possédé.es
Car oui, nous assistons à un vrai one-man-show et le public sous le charme rit à gorge déployée à chacune de ses piques subtilement – ou pas – disséminées. Mais que serait ce cabaret sans ses numéros ? Sans surprise, ils sont largement à la hauteur de nos espérances, d’autant que pour l’occasion, c’est l’école de mode Casa 93, en collaboration avec Fursac, qui a créé les pièces portées par les interprètes. Entre les shows de la performeuse Julie Demont – Démon pour l’occasion – qui nous hypnotisent en domptant la barre de pôle dance et une table volante, la danse sensuelle de Michelle Tshibola plus dominatrice que jamais, sans parler des performances vocales dantesques de Sam Buttery et de Clara Brajtman ou de l’invité surprise, Noam Sinseau, plus drôle que jamais. On est sous le charme de cette troupe magnétique qui jongle entre les genres. Si on en sort lessivé.e par le torrent d’émotions ressenties, le cabaret de poussière tient son pari fou : mélanger politique, portée acrobatique, délirantes musiques, et autres “hiiiiiic” suite à quelques verres enfilés au bar lors de l’entracte par un public ambiancé. Bref, tout ce que l’on aime. On vous laisse avec la description du cabaret PAR le Cabaret qui vaut largement le détour… À bon entendeur !
« Le Cabaret de Poussière n’est pas divaguant, diurne, débiteur, défini, divin, dé-murge,
Le Cabaret de Poussière n’est pas encarté, engoncé, embourbé, engourdi, emmerdant,
Le Cabaret de Poussière n’est pas amidonné, arriviste, arrivé, attendu, abstinent, à l’heure,
Le Cabaret de Poussière n’est pas sain, sage, salubre, sobre, sédévacantiste, séduisant, suffisant,
Le Cabaret de Poussière n’est pas routinier, rabâché, redondant, ravalé, reluisant, rentable.
Visuel : ©affiche
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