Créée à Avignon en 2016, la pièce tirée de la nouvelle de Stefan Zweig Lettre d’une inconnue revient à La Folie Théâtre. Laetitia Lebacq reprend pour notre plaisir sa magnifique proposition qui lui avait valu, en 2018, le P’tit Molière de la meilleure comédienne.
Publié en 1922 et premier best-seller de Stefan Zweig, la nouvelle raconte l’histoire de Monsieur R., célèbre écrivain, qui découvre en rentrant chez lui la lettre d’une inconnue qui va lui révéler un terrible secret.
Si dans les premiers temps, le récit est baigné d’innocence, les heures, les mois, les années qui passent lui confèrent une autre dimension. Cédant la place à la colère lorsque la jeune fille apprend que la famille quitte Vienne pour Innsbruck.
Consumée toute sa vie par sa passion dévorante pour R., cette femme décide de livrer sa confession ultime dans une lettre bouleversante :
“Tu dois tout savoir de ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su.”
Tel est l’ultime projet d’une inconnue qui s’adresse à R. alors qu’elle va mourir. Comme souvent chez Zweig, la lettre testament et le récit s’emboîtent pour nous rendre témoins de la passion déraisonnée de cette femme et de ce que cette passion constitue un radical ratage.
Les premières paroles de l’inconnue sont récitées de concert avec une voix masculine. Celle de Monsieur R. sans doute, lisant la lettre au fil de sa rédaction. La lumière se tamise, le rideau s’ouvre, et le décor apparaît, dévoilant sur la scène deux univers. Celui d’une chambre tout d’abord où, assise à un petit pupitre, l’inconnue s’attelle à sa missive, une plume rouge à la main, couleur de la passion. De « sa » passion. Puis l’univers d’un salon ensuite, meublé d’un fauteuil et d’un bureau, et dont le sol et les murs sont couverts de cadres, et d’une toile de Gustav Klimt, comme pour mieux rappeler au spectateur qu’ici, nous sommes à Vienne.
L’interprétation est une réussite et elle touche juste. Laetitia Lebacq joue une colère non contenue. Sans la retenue des émotions, il devient épineux d’expliquer le final, mais la proposition audacieuse de Lebacq réussit à nous faire comprendre les sentiments de cette femme qui, en dernière analyse, ne saura que se punir elle-même. Par son engagement, la comédienne parvient à nous faire parcourir ce chemin sinistre puis funèbre d’une femme belle, mais triste, jeune puis vieille sans en jamais connaitre maturité.
C’est ici doublé de la rigueur et de la pluralité du jeu que cette Lettre d’une inconnue offre du nouveau et du reste à penser. Ce bel hommage de Lebacq au texte de Zweig est riche. Et à ne pas rater.
D’après Stefan Zweig
Avec : Lætitia Lebacq
Mise en scène : Lætitia Lebacq assistée par Patricia Marquet
Visuel Affiche