Juan Mayorga est aujourd’hui l’un des auteurs espagnols les plus importants de sa génération. Il a écrit La paix éternelle, une pièce intense mise en scène au Théâtre de l’Epée de Bois et éditée aux Solitaires Intempestifs. Le moment sous forme de leçon de vie est précieux.
Juan Mayorga est né en 1965. Docteur en philosophie, professeur de dramaturgie à l’École royale supérieure d’art dramatique de Madrid‚ il est l’un des auteurs espagnols les plus importants de sa génération. Il est auteur également d’essais sur la politique et sur le rapport de l’écriture dramatique à lʼHistoire. Les questions de l’historicité de la politique et de la politique de l’histoire se retrouvent dans la trentaine de ses pièces. La plupart ont été mises en scène, publiées et traduites en plusieurs langues.
Dans la grande salle en bois de l’épée de bois, un carré blanc tracé au sol figure un ring d’entraînement canin. Dans cet espace, un maitre éleveur, un sélectionneur et 3 chiens. Ils vont traverser, sous le prétexte d’un critérium, la plupart des dilemmes qui découlent de la confrontation (télescopage avec l’actualité la plus brulante) entre le terrorisme et l’histoire des civilisations.
Odin‚ Emmanuel et John-John sont les trois chiens finalistes du concours d’intégration d’une prestigieuse unité antiterroriste. Trois chiens, trois personnalités, trois hypothèses philosophiques et trois épreuves, dont une épreuve de décision, épreuve magistrale. Les perdants redoutent d’être transformés en saucisses. L’atmosphère est tendue.
Hervé Petit a imaginé un huis clos coupé du monde où seules des soudaines interventions de la musique et de la danse soulagent les allers-retours incessants entre la violence et l’humour, entre la brutalité et l’émotion. Le public est concentré et captif.
Il y a Odin, le rottweiler, véritable mercenaire, rejetant toute idéologie et toute morale et qui se vend au plus offrant . Il y a John-John, le plus jeune, croisé entre plusieurs races, fraichement sorti de la meilleure école de combat et qui se veut résolument fidèle à son maitre. Il y a Emmanuel, le berger allemand, en questionnement sur cette violence, humaniste, éduqué par une jeune maîtresse qui suivait des cours de philosophie. Il y a enfin Cassius, le vieux labrador qui dirige le concours, figure héroïque et guerrière de l’anti-terrorisme.
Dans cette fable, façon La fontaine, on pourchassera la morale longtemps. Les comédiens sont formidables. Ils sont des chiens et des hommes à la fois. Ils parsèment d’affect, d’émotion et de violence contenue la construction dramatique de leur personnage. Ils servent le texte avec une fausse neutralité efficace. Nos esprits sont secoués par les sophismes, les pétitions de principe et les syllogismes. Par le chaos des choix impossibles.
Si l’Humain cherche le bon équilibre entre la violence de la raison d’État et la préservation de la démocratie, il aura toujours tort, car l’équilibre n’existe pas. Les deux fléaux de la justice ne peuvent stabiliser ce chaos. Sauf que Juan Mayorga a compris, la lutte contre le terrorisme n’est pas seulement une lutte militaire sécuritaire. Elle est un combat métaphysique. Dans l’espace d’une scène de théâtre, il pose la lutte contre le terrorisme en tant que la recherche raisonnée de la nature essentielle de l’être, des causes de l’univers et de son avenir. Afin que la paix éternelle un jour se répande sur le monde.
Une pièce singulière et féconde.
La paix perpétuelle
Compagnie Hervé petit
Texte de Juan Mayorga
traduction Yves Lebeau, mise en scène Hervé Petit
Collaboration artistique Ariane Elmerich
Scénographie et costumes Caroline Mexme
Avec Nicolas THINOT (Odin), Raphaêl MONDON (Emmanuel), David DECRAENE (John-John), Ariane ELMERICH (L’Humain) et Hervé PETIT (Cassius)
1h25
Visuel Affiche