Magie et humour : Yann Frisch réunit ces ingrédients phares dans un spectacle qui interroge notre rapport à l’imaginaire.
Une bouille ronde et des cheveux ébouriffés. Si le visage de Yann Frisch semble réunir les caractéristiques physiques du clown, ses vêtements sombres font signe vers l’univers du magicien. Cela tombe bien : Personne se présente comme un spectacle syncrétique, qui réunit magie et humour.
L’argument en est simple : un magicien nommé Yann donne un spectacle dans un camion-théâtre à la Villette. Dès lors, le départ entre réel et imaginaire s’amenuise.
Le plateau présente ainsi en son centre une porte seule, qui n’est reliée à aucun mur. Elle trône au milieu de l’espace scénique, à première vue incongrue, désarmant le spectateur et la spectatrice qui se demandent si elle sert de séparation ou de trait d’union. Cette porte qui n’ouvre et ne referme sur rien apparaît comme une métaphore du spectacle tout entier : une réflexion en actes sur ce qui est et ce qui n’est pas.
Car l’humour et la magie de Yann Frisch n’ont rien de gratuit : le jeu avec les ressorts du magicien-mentaliste ou de l’apparition-disparition des tours de magie traditionnels est l’occasion d’exposer une angoisse millénaire et contemporaine à la fois, celle de ne pas exister. Les grands auteurs baroques comme Shakespeare et Calderón sont présents en arrière-fond, jamais clairement cités, mais toujours évoqués.
Pour rendre à cette inquiétude son urgence et son importance, Yann Frisch nous lit des extraits de Borges ou nous emmène en Iran, nous interroge sur nos rêves et met en évidence le caractère factice du théâtre. Le tout avec un humour clair et franc, qui participe du côté réjouissant du spectacle.
Cet humour omniprésent puise à différentes sources. L’autodérision, les lazzi de la commedia dell’arte et le schème du « fâcheux » sont au cœur de l’écriture comique de Personne, qui réunit dans de grands éclats de rire l’ensemble du public. L’enthousiasme et l’énergie de l’auteur-interprète y sont pour beaucoup dans la réussite des moments comiques.
L’humour de Yann Frisch est beaucoup plus subtile que celui d’un Eric Antoine. Il se situe davantage à la conjonction de la satire et du comique de situation, prétexte à une réflexion sur le réel et l’imaginaire. A moins que ce ne soit le contraire : la réflexion au service de l’humour. Chacun·e fera son choix.
Visuel : Christophe Raynaud de Lage
Personne, de et avec Yann Frisch, direction de création Sidonie Pigeon, Lumière Laurent Beucher, Création sonore Vassili Bertrand, Scénographie Benjamin Gabrié, Masques Carole Allemand et Laurent Huet assisté·es de Kazuhito Kimura, Costumes Monika Schwarzl, Construction de décor Matthieu Bony, Zoé Bouchicot, Yohan Chemmoul, Benjamin Gabrié, Romain Gandon, Maxime Mavilla, Michael Pearson, Alain Verdier, Production, communication, Céline Bary, Regards de Louis Arène, Shaghayegh Beheshti, Etienne Charles, Chloé Derrouaz, Servane Deschamps, Géraldine Mercier, Raphaël Navarro, Père Alex, Etienne Saglio
Jusqu’au 27 mai, La Villette, place de la Fontaine-aux-Lions, 1h. Monfort Théâtre hors-les-murs. Spectacle accueilli avec le Théâtre de la Ville.