En famille : Concert hanté pour enfants un peu sorciers (et sorcières !) ce dimanche à Paris

Sous le signe d’Halloween

Il s’agissait de fêter Halloween dans une atmosphère propice à la découverte des plus grands compositeurs sur un mode ludique et joyeux, une des productions du théâtre des Champs Élysées dans sa nouvelle collection des « concerts en famille ». Nous avions déjà vu les contes de Karol Beffa racontant l’histoire de ce roi qui voulait interdire la musique (mais tombait amoureux de Joséphine Baker).

Cette fois, le propos était plus mystérieux, plongeant dans l’atmosphère du fantasque où l’on n’est jamais très loin du côté obscur de la magie noire.

D’ailleurs pour illustrer au mieux ce côté très légèrement effrayant où l’on frissonne de délices, le plateau restait dans la pénombre, éclairé d’une lumière bleutée interrompue de temps en temps par quelques rouges tableaux directement baignés dans le vif carmin de la rose du plafond, magnifique réalisation art déco d’un théâtre qui semble avoir rajeuni tant ses trésors ont été mis en valeur.

Un peu de maquillage et un bien joli décor

Les enfants, accueillis dès 10h pour la première séance celle de 11h, ont eu tout loisir pour s’offrir les services de deux excellentes maquilleuses professionnelles de chez Make Up for Ever qui leur ont peint de bien jolies citrouilles sur les joues !

Ensuite ils étaient invités à prendre place pour admirer avant le début du spectacle, les beaux décors en premier plan d’Amélie Parias, metteuse en scène de l’ensemble du concert. Car, si l’orchestre était bien visible sur ses gradins directement installés sur la scène, la bordure du proscenium laissait voir une sorte de bric-à-brac représentant l’antre du sorcier, celle où il prépare ses potions magiques et fait reposer ses ingrédients tous plus étonnants les uns que les autres : petit meuble à multiples tiroirs avec nombreux ustensiles entassés, établi avec chaudron pour accueillir la bave des limaces et la poussière des étoiles, squelette installé sur un tabouret, citrouille posée sur une chaise, et, bien sûr, très nombreuses toiles d’araignée ornementant les abords, et même le pupitre du chef.

De Williams à Berlioz

On se félicitera du choix du très riche programme proposé, très bien interprété par les Siècles, dont la particularité « historique » est de jouer sur instruments de l’époque appropriée. Les enfants ont ainsi pu bénéficier d’une écoute de qualité pour des morceaux de grande valeur instrumentale et symbolique.

L’orchestre introduit le concert avec la musique du film Harry Potter, à l’école des sorciers (John Williams) qui évoque aussitôt les premiers plans mystérieux de Privet Drive, dans la brume londonienne quand Hagrid amène le bébé Harry à l’abri loin du monde des sorciers.

Mais ce n’est qu’une introduction musicale et si l’on peut regretter que la production n’ait jamais appuyé ses illustrations sonores par quelques images pour faciliter l’approche des plus jeunes enfants, on salue les qualités du narrateur, le comédien Robin Laporte, qui va parcourir en quelque sorte les thèmes des morceaux en racontant sa « vie ».

Il était marin sur le « Hollandais » quand il était jeune, il a été recueilli après un naufrage par un magicien maître d’un balai magique, il a tout appris de l’art de la sorcellerie avec son maître et propose aux enfants à présent de leur livrer la recette d’une potion magique. Entretemps il aura rencontré une belle et mystérieuse jeune femme (Amélie Parias), dansé avec elle durant près de dix ans, avant qu’elle ne disparaisse.

Et l’on reconnaîtra les leitmotivs si expressifs de Wagner, dans l’ouverture du Vaisseau fantôme (Der Fliegende Hollander), qui évoque si bien la tempête, le célèbre ballet du balai fou dans l’Apprenti sorcier de Dukas, les bruits d’os qui s’entrechoquent avec le xylophone dans la Danse Macabre de Camille Saint-Saëns (« Zig et zig et zig, la mort en cadence/Frappant une tombe avec son talon »), la fantastique orchestration de Moussorgski pour la représentation de la figure slave de la sorcellerie, Baba Yaga, dans La cabane sur des pattes de poule, l’un des Tableaux d’une exposition. Hector Berlioz venait en conclusion d’une très riche matinée musicale avec le « songe d’une nuit de Sabbat », extrait de sa symphonie fantastique, la bien nommée, qui fut créée, rappelons-le à Paris en 1830.

Un récit bien mené

Le texte dit par Robin Laporte avec un humour qui fait mouche auprès des enfants, parcourt autant que faire se peut, ces différentes étapes de la musique proposée, dont le naufrage du Hollandais condamné à errer sur les mers de Richard Wagner ou les imprudences de l’apprenti sorcier de Paul Dukas qui ne sait plus arrêter son balai magique faute d’avoir retenu les leçons de son maitre. Mais d’autres extraits malgré le caractère prononcé de poème symphonique à thème (on pense à Moussorgski ou Saint-Saëns) ne sont pas explicités dans un texte très ludique qui manque un peu d’imagination de ce point de vue.

Certes la danse à laquelle se livre Robin Laporte avec la femme qu’il a rencontrée, d’abord composée d’une citrouille et d’une grande cape avant de prendre forme avec l’arrivée furtive et charmante d’Amélie Parias, ne manque pas de poésie, mais les allusions aux danses de la mort ne sont pas forcément très compréhensibles par les enfants.

« En famille », des concerts qui ont du succès !

On regrette l’absence d’une petite présentation des œuvres en amont du spectacle, avec quelques illustrations sonores et visuelles qui auraient sans doute permis une meilleure connaissance d’œuvres importantes du répertoire classique avant écoute. On retrouve d’ailleurs de charmantes illustrations dans le programme distribué, avec les dessins de Sabine Willharm (voir son ouvrage « Der Zauberlehring » aux éditions Kinderman Verlag).

Réserves très secondaires, on en conviendra, pour une matinée très réussie qui a enthousiasmé les nombreux enfants présents de tout âge (dès 4-5 ans pour les plus jeunes).

Le concept audacieux du concert pour les familles se poursuivra en décembre avec un spectacle intitulé « Babar et le Père Noël » animé par François Morel, puis en janvier avec le très célèbre (et apprécié) « Pierre et le Loup » de Prokofiev.

Février verra à nouveau l’opéra participatif, adaptation raccourcie d’une œuvre du répertoire lyrique, avec, cette année, l’excellent choix d’un Roméo et Juliette d’après Gounod, que les enfants pourront collectivement préparer en classe pour les plus grands et lors de dimanches réservés aux répétitions pour les autres (et pour les adultes !). En effet, le succès du concept repose sur cette approche originale de l’opéra qui permet aux spectateurs d’avoir régulièrement « la main » durant la représentation, en chantant avec les artistes de la scène, les grands airs des chœurs. Le Théâtre des Champs-Élysées avait ainsi réalisé une « Petite flûte » d’après Mozart puis un « Élixir d’amour » d’après Donizetti dont Cult avait rendu compte.

On ne peut que se réjouir de ces initiatives qui permettent aux plus jeunes d’accéder à la musique classique de qualité !