Une figure emblématique dans l’histoire
Né à Orléans en 1904, Jean Zay y est élu député radical-socialiste en 1932. Sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil en janvier 1936 -il n’a pas encore 32 ans-il est appelé en juin par Léon Blum pour devenir ministre de l’Éducation Nationale. Il conserve ce poste jusqu’à la guerre, démissionnant alors pour porter l’uniforme. Jean Zay est un grand serviteur de l’état et du pays. Il réforme l’enseignement dans ses structures, comme dans sa pédagogie (activités dirigées), il prolonge jusqu’à 14 ans l’obligation scolaire et dédouble les classes au-delà de 35 élèves, crée le CNRS, jette les bases de l’ENA.
Chargé aussi des Beaux-Arts, il crée la Réunion des Théâtres Nationaux, le Musée de l’Homme, le Musée d’Art moderne et celui des Arts et Traditions Populaires, développe la lecture publique, favorise le théâtre populaire, prépare le premier Festival de Cannes, invente les bibliobus, propose un projet de loi sur les droits d’auteurs, soutient la recherche scientifique et pérennise le Palais de la Découverte, organise l’Exposition universelle de 1937.
Souvenirs et solitude : son journal de captivité
Mais Jean Zay incarne tout ce que Vichy déteste : le Front Populaire, les Juifs, la Franc-maçonnerie, la République radicale, l’enseignement public, la résistance à Hitler. Il est emprisonné sous Vichy. Il fait partie en juin 1940 des parlementaires qui embarquent sur le Massilia pour constituer un gouvernement en exil en Afrique du Nord. Ils sont arrêtés au Maroc puis condamnés par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand au mépris de toute vérité pour désertion en présence de l’ennemi. Alors que son ami Pierre Mendès France parvient à s’enfuir presque aussitôt, Jean Zay est transféré à Marseille et emprisonné à Riom pendant quatre ans, avant d’être enlevé par la milice et assassiné dans un bois dans l’Allier, à Cusset, le 20 juin 1944. Il a 39 ans.
En prison, il tient un journal. En dépit de la dureté de ses conditions de détention, il consacre l’essentiel de ses forces à cet ouvrage qu’il prévoit de publier plus tard. Jean Zay y porte un regard avisé sur son action passée et sur la situation de la France à l’époque. C’est un livre exceptionnel, à l’image de son auteur : à la fois homme politique, résistant, écrivain et penseur d’une immense culture. Un document d’une grande valeur historique bien sûr, mais aussi un livre essentiel pour la qualité de sa langue, sa sensibilité, son intelligence aiguë et son message humaniste. Xavier Béja nous offre ce cadeau de traverser avec nous le précieux document.
Une mise en scène convaincante et convaincue
La mise en scène épurée de Michel Cochet est admirable, renforcée par la création lumière de Charly Thicot. Xavier Béja attrape son public, il restitue au plus proche les mots de Jean Zay et leur esprit. Il se refuse à l’apologie facile pour construire un homme parfois grand, parfois ordinaire. Comédien caméléon, il nous fait partager la force du récit, incarne un Jean Zay attachant à la personnalité exceptionnelle. Son interprétation et la mise en scène aiguisée opèrent la légère déréalisation propre aux merveilleuses fictions. L’autobiographie se transforme en une pièce qui fonctionne comme une des nombreuses biographies de Stefan Zweig.
Le spectateur s’instruit sur un homme et par lui sur l’époque qui a vu ses exploits et ses échecs. Comme chez Zweig, nous sommes captivés par l’histoire et mesurons ce que les générations suivantes doivent à Jean Zay.