Le festival Furies a posé ses spectacles dans les rues et les parcs de Châlons-en-Champagne du 3 au 8 juin. Son ambiance conviviale, voire familiale, correspond bien à l’esprit du spectacle Amphitryon, tu perds ton sang-froid, du clown mythologico-dingo énergique et efficace.
Luc Miglietta a dû prendre quelques-uns de ces champignons que Mercure deale à la sortie des écoles. Ou alors, il a mis les doigts dans une prise 240V, et il ne s’en est pas remis. Amphitryon, tu perds ton sang-froid (cie Bruitquicourt) est plus ou moins conforme à son titre : il s’agit de revisiter le mythe d’Amphitryon, en lui faisant subir quelques outrages pour les besoins de la détente des zygomatiques des spectateurices de 2025.
Entre donc Jean-Pierre le Divin, metteur en scène “remercié” d’un Grand Théâtre Subventionné, qui s’essaie au théâtre de rue et à la sobriété subie. Quatre micros pour cinq personnages, autant de pastiches et perruques, des changements à vue, et une introduction surprenante sous forme de goguette d’un “monument de la chanson française”… Il ne lui en faut pas davantage pour allumer le feu (pour filer la métaphore de la grande chanson française). On pense à Jacqueline et Marcel de la cie de L’Art Osé : même légèreté de dispositif, même culot insolent, même esprit aiguisé à l’affût de la moindre connerie à tenter.
Impossible de ne pas saluer l’énergie que met le comédien qui joue le comédien qui joue Amphitryon… et les autres. Il fait feu de tout bois, improvise avec tout ce qui lui tombe sous la main – surtout les enfants –, se moque gentiment de son public – surtout des enfants –, case quelques vannes d’initiés sur le théâtre public, la rue, Aurillac – comptant sur la complicité des spectateurices –, met vingt minutes à démarrer la narration du mythe – mais en vient tout de même à bout. C’est un marathon ‘pour filer le thème de la Grèce antique), mais Luc Miglietta est un athlète de haut niveau. En tout cas, un sacré comédien, et un diable d’improvisateur.
Il a la gentillesse de nous prévenir du point auquel le sous-texte des mythes grecs est vertigineusement patriarcal, et on doit dire qu’on en prend une tartine de ce point de vue : Amphitryon en tient une couche. On appréciera l’effort mis à souligner le besoin de questionner ces récits fondateurs, mis en exergue par la sélection d’une une spectatrice – volontaire – à qui on lie pieds et poings – évidemment, pas réellement, mais la représentation n’en est pas moins là – pour ensuite la brûler vive, la démoniaque femelle dont elle joue le rôle – Alcmène – étant soupçonnée par Amphitryon de l’avoir trompé… Heureusement qu’elle est sauvée par Zeus, avec sa grosse barbe et sa grosse voix (mettez le mot que vous voulez à la place de « voix », cela marche de toute façon).
Soit que le public n’en ait cure, soit qu’il ait compris la mise en abyme critique, il rit à gorge déployée tout du long, et il repart apparemment ravi.
Visuel © Philippe Cibille