Du 7 au 19 octobre, Guillaume Cayet présente à Théâtre Ouvert, Le Temps des fins. Rencontre.
Quand vous dites « votre » histoire, je précise qu’il ne s’agit pas de mon histoire personnelle, mais au contraire d’une fiction. J’introduis simplement le spectacle en parlant de la mort de ma mère. Cela me permet de parler du monde dans lequel elle a vécu, un monde dont nous devons sans doute faire le deuil.
Je ne sais pas qui est l’antagoniste de cette histoire ; sans doute qu’il est multiforme, qu’il pourrait bien évidemment s’appeler « capitalisme », mais qu’il revêt parfois d’autres visages.
Il n’y a pas vraiment de morale à mes pièces, mais plutôt une réflexion adressée aux spectateur·ices, qui pourrait ici se résumer en une question : « Pourquoi est-il plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ? » (repris au philosophe marxiste F. Jameson). Il me semble plus intéressant que les spectateur·ices repartent avec leurs propres lectures, leurs propres avis, plutôt que de leur imposer le mien.
Je ne sais pas si ce système existe. Je pense en tout cas qu’il existe une écologie politique, radicale, décoloniale, à mille lieues de l’écologie de salon et du greenwashing que nous voyons de plus en plus apparaître. Et cette écologie-là, qui n’omet pas les structures socio-politiques de la société et l’intersectionnalité, me semble importante à défendre.
Il y a pour moi une envie de créer une épopée dans cette pièce, une épopée avec trois acteur·ices. J’ai choisi le triptyque, avec trois formes différentes, du récit, au récit dialogué, au dialogue. Effectivement, il s’agit de faire dialoguer des points de vue parfois contraires, parfois similaires, pour créer en quelque sorte une dialectique. Ou plutôt une sorte d’impression, d’infusion du monde. Car à la fin, les trois récits s’imbriquent, dialoguent ensemble.
Le spectacle s’ouvre par un monologue de chasseur. Je voulais également réinterroger cette figure à l’aune du changement climatique, peut-être aussi pour la désassigner de certains clichés. C’est cela qui m’intéresse dans ces trois points de vue différents. Ils racontent, à leur façon, des êtres au monde, écologiquement, différents.
Ni l’un ni l’autre. Au contraire : activer nos points de crispation. Justement, la fin nous fait peur, nous tétanise. Nous sommes comme privé·es d’action. Mais si nous comprenons que la fin est déjà là, en nous, parce que certains la vivent déjà, et qu’elle n’est pas imminente mais immanente, je crois que cela nous aide à nous réactiver. La fin du monde, le grand récit post-apocalyptique, ne viendra pas. Par contre, tant que nous pensons cela, les « destructeurs » de mondes continuent d’officier. Je ne crois pas qu’il y ait de renaissance. Tout me semble déjà contenu dans notre monde. Il s’agit juste de laisser la possibilité à un monde plus vivable de surgir (et il surgit déjà).
C’est une manière de dire que l’imaginaire peut tout sur le monde. Que nous devons continuer d’imaginer, de produire des contres-récits, des récits dissidents, et que c’est l’addition de tous ces récits qui compte.
Le Temps des fins, du 7 au 19 octobre à Théâtre Ouvert
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