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« Gravité » et « Solaire » de Fabrice Lambert au CDA d’Enghien-les-Bains

par Nicolas Villodre
08.04.2024

Fabrice Lambert, artiste associé au Centre des arts d’Enghien-les-Bains, vient d’y présenter deux de ses pièces emblématiques, Gravité et Solaire, séparées par une « restitution d’atelier » animée Martina Musilova, dansée par les élèves de l’École de danse enghiennoise Anna Bouchard, Aurélie Celdran, Carole Dourlens-Ouedraogo, Mélanie Émebé et Céline Ghirardelli.

 

Jeux des reflets et de la lenteur

Comme tout opus approchant le chef-d’œuvre, Gravité vaut d’être vu et revu. Nous l’avions découvert il y a déjà lurette aux Abbesses et l’avons apprécié, de nouveau, à Enghien, malgré les quelques lumières parasites, d’une trop forte intensité, de la salle – celles, notamment, indiquant les sorties de secours. L’effet de fascination produit sur le spectateur est tel qu’y compris le jeune public venu se mêler à l’ancien est resté près d’une demi-heure bouche bée. Ce spectacle vivant qui tient aussi de l’installation artistique entretient le doute entre le rêve et le réel.  Il appelle au silence et à la contemplation. La fascination est telle que nul ne se pose la question du pourquoi ou du comment.

 

Ce solo interprété par le chorégraphe en personne soutenu par une B.O. électro-acoustique planante fait date – l’écran du vidéoprojecteur surimprimant la silhouette live du danseur et des ronds dans l’eau préenregistrés et diffusés en boucle est encore en 4/3. Sans, du tout, dater. Les effets miroitants étant vieux comme le monde, les variations gestuelles, lumineuses et rythmiques obtenues par le dispositif subtil mis au point par Fabrice Lambert et Guillaume Cousin peuvent donner l’impression d’être intemporelles. Les légendes grecques et les mythes de la caverne ou de Narcisse ont pu inspirer le chorégraphe, comme, avant lui, Freud et Lacan. Sans parler d’Arthur Rimbaud qui affirmait : « Je est un autre ».

 

Du décousu main

Solaire rime avec scolaire et avec Stellaire, autrement dit avec la démonstration ayant servi d’intermède entre les deux pièces programmées au CDA. Sa durée la dessert sans doute un peu, la combinatoire entre la danse, la musique et l’éclairage y étant explorée et exploitée un maximum par le quintette de danseurs : Vincent Delétang, Madeleine Fournier, Harris Gkékas, Hanna Hedman et Fabrice Lambert. Ce maximum venant contredire l’esthétique minimaliste, pour ne pas dire austère, un des fondamentaux de cette œuvre comme, du reste, de la précédente. La pièce gagne en abstraction par son dérangement structurel. Elle use, comme dans Gravité, du leitmotiv ou gimmick gestuel du corps reposant sur le ventre, les danseurs jouant les gisants au début et à la fin de la pièce.

 

Du point de vue technique, le travail de groupe est somme toute anti-spectaculaire. Lambert se distancie à sa manière en brisant l’effet de fascination qu’exerce à coup sûr Gravité. Les danseurs ont beau être beaux – élégants, gracieux, discrets -, ils n’en peuvent, mais pris dans les fausses hésitations lumineuses préméditées par Philippe Gladieux et le tempo endiablé d’un hard rock de derrière les fagots. Les incessantes entrées et sorties des artistes côté jardin ou cour donnent une sensation d’inachevé, comme si la noirceur qui, par intermittence, envahit le plateau, du sol au plafond, abrégeait solos et velléités chorales, les chassant de la piste de danse ou les décourageant à force. Qu’on se rassure : la troupe se retrouve et s’en sort plutôt bien. Elle est acclamée par un public acquis à la cause contemporaine.

Visuel : Solaire © Expérience Harmaat