From England with love de Hofesh Shechter en primeur à Annemasse

God save the king

Comme le suggère son titre, cette création de la Hofesh Shechter Company rend grâce à l’Angleterre, pays d’accueil où le danseur a su, peu à peu, développer son style chorégraphique, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Pour ce faire, il a fusionné différentes disciplines abordées au cours des ans; il n’a jamais regardé à la dépense d’énergie qu’exige sa danse de la part de ses interprètes ; il a accolé à ses opus des B.O. concoctées maison ; il a, le cas échéant, conçu les costumes de scène. En l’occurrence, ici, des uniformes d’écoliers britanniques : des blazers, des gilets, des chemises blanches, des cravates.

Surtout, il demeure dans la danse. Une danse émaillée ici ou là de quelque effet théâtral, de gestes de mime comme le chargement de fusil pour une salve d’honneur pour le souverain en place ou comme le petit balancement latéral de la menotte rappelant les saluts à la foule d’Élisabeth II. Un syncrétisme en danse conciliant l’influence grahamienne de la contraction du corps suivie de son relâchement (ou inversement), les gimmicks de danses masculines provenant d’orient (les bras levés au ciel, les rondes avec les danseurs se tenant par la main). Le batteur de rock qu’est aussi Shechter, d’après Frédéric Tovany, sait que la musique anglaise ne se limite pas au pop du Swinging London.

Des décibels pour aller danser

La playlist de la pièce, diffusée le soir où nous étions avec ampleur, mais sans excès de décibels, alterne plages électro composées par Shechter himself et airs de musique et de chant anglais du temps passé signés Edwar Elgar (1857-1934), Tomas Tallis (1505-1585), Henry Purcell (1659-1695), William H. Monk (1823-1889). Ils découpent la pièce en saynètes ou tableaux de plus ou moins courte durée. Une série de flash acts donne l’occasion aux sept mercenaires de la danse (Holly Brennan, Yun-chi Mai, Eloy Cojal Mestre, Matthea Lára Pedersen, Piers Sanders, Rowan Van Sen et Toon Theunissen) de se mettre en valeur. Ce showcase annonce peut-être également des œuvres à venir.

Il convient de souligner l’extraordinaire travail du maître lumiériste Tom Visser qui prouve, s’il le fallait, après Loïe Fuller, Nikolais ou Bob Wilson, que la danse peut se passer d’éléments de décor. Les rythmes colorés, les modulations chromatiques, les effets de clair-obscur, les contrejours, la contreplongée des feux de la rampe, les douches froides et chaudes éclairant tout ou partie de la troupe dans leur danse à l’unisson ou en solo, du début de la pièce au final poétique sur chants d’oiseaux, les fondus au noir et les coupures électriques à la manière d’un Wiliam Forsythe scandent l’écoulement de cette ode à l’Angleterre.