Vingt ans que François Chaignaud ne cesse de nous épater. Nous et la galerie. Avec des créations se suivant sans se ressembler. Naturellement, certaines plus intéressantes que d’autres. Nous l’avions découvert ici, rue Léchevin, au côté de Cecilia Bengolea, dans un spectacle mémorable et mémoriel, Hydra, voué au danseur ‹‹libre» François Malkovsky. Nous eûmes l’occasion d’apprécier Duchesses dans un hall de Chaillot à l’époque déjà lointaine de Didier Deschamps. Un duo avec une partenaire d’exception, Marie-Caroline Hominal.
Cette pièce de 2009, qualifiée par Chaignaud d’aride n’a pas pris de ride. Du reste, ses interprètes non plus. Les corps nous sont dévoilés sans ostentation; l’exhibition n’a jamais rien de burlesque ou d’obscène; les artistes ont évolué mais peu changé; la coiffure de l’un donne l’air de s’être calquée sur celle de l’autre ; Hominal, pour la nommer, paraît plus vivante que jamais; Chaignaud a maintenant l’allure d’un sorcier, d’un chamane – d’un sage ayant trouvé sa voie et, selon toute apparence, la paix intérieure.
Cette « extase aride » qui dure plus de trente minutes n’a pourtant rien d’austère. Le public de connaisseurs assis en tailleur ou en yogi au grenier de la Ménagerie fraîchement aménagé est attentif, concentré, fasciné par la prestation ludique, un tantinet sadique, une démo de hula hoop offerte par les deux danseurs en silence, quasiment, chacun perché sur son petit podium auto-éclairé de liserés de leds (en lieu et place des tubes fluo d’antan). L’audience ou, si l’on préfère, l’assistance a le souffle coupé.
Minimal et animal, le show fait le maximum; il produit son effet bœuf avec un jeu d’apparence enfantine, vieux comme Hérode qui, lui-même, ne prétendait pas avoir inventé la roue. C’est la firme californienne Wham-O qui fit de la danse du cerceau un jeu de plage, le hula hoop, avec autant de succès que le frisbee, avatar du boomerang, arme de chasse aborigène détournée en passe-temps ludique et sportif par Walter Frederick Morrison. Est-ce à dire que Duchesses relève de la discipline sportive qu’est la hoopdance?
Pas vraiment. Malgré l’endurance qu’exige cette pièce, comme nous l’a justement fait remarquer Petter Jacobsson à l’issue de la représentation, jamais l’exploit technique n’est visé comme tel. François Chaignaud et Marie-Caroline Hominal ne se prennent ni pour Jenny Doan (qui réussit à faire tourner son cerceau autour des hanches 100 heures durant), ni à Gregory Sean Dillon (qui homologua 243 révolutions par minute il y a plus de dix ans). Si acrobatie rime avec ménagerie, il n’en reste pas moins que la pièce exige force physique et agilité circassienne. Et qualité de danse, port de bras de prince, princesse, duc ou duchesse.
Visuel : François Chaignaud & Marie-Caroline Hominal © Mélanie Groley