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15.11.2023 → 25.11.2023

Festival du TNB : Rennes entre misère et joie

par Julia Wahl
19.11.2023

Pour son édition 2023, le festival du TNB nous propose des spectacles variés qui oscillent entre joies pures et déconstruction des rapports de domination.

Humour et joie

 

Ce fut donc une édition pour partie joyeuse que ce festival 2023. L’humour est ainsi au cœur de l’écriture de Tanguy Viel dans Une Vie d’acteur, projet mené par Émilie Capliez à partir de la biographie du comédien Pierre Maillet.

 

On connaît le goût de l’écrivain et de la metteuse en scène pour le cinéma : alors que le premier a écrit Cinéma (1999) autour du film Le Limier, la seconde a mis en scène au printemps dernier le très beau Des Femmes qui nagent, de Pauline Peyrade, qui étudiait la réification des femmes dans l’industrie et le patrimoine cinématographiques. Ce sont donc ceux spécialistes du sujet qui nous racontent comment la cinéphilie fut à l’origine de la vocation d’acteur de Pierre Maillet.

 

Pourtant, alors que, sur le papier, cette proposition avait tout pour plaire, Une Vie d’acteur déçoit. Est-ce le texte, est-ce la mise en scène, est-ce le jeu de Pierre Maillet lui-même ? Toujours est-il que ce spectacle sort peu de l’anecdotique. L’acteur nous raconte sa rencontre avec le cinéma dans la Narbonne de son enfance, alors que sa sœur l’emmenait découvrir des films pour plus grand.es que lui et qu’il « empruntait » au vidéo-club de son oncle des films d’horreur bien trop terrifiants pour lui. Cette traversée d’une enfance et d’une adolescence bercées par le cinéma devient rapidement une sorte de stand up à l’humour un peu facile ou un blind test pour cinéphiles chevronné.es, l’un des plaisirs de spectateur étant de deviner les films auxquels il est fait allusion. Cela fonctionne : on rit et on devine, mais on reste, sur les plans formels et thématiques, dans un univers connu.

 

À ce comique un peu trop attendu répond celui, plus subtile, de Latifa Laâbissi et Antonia Baehr dans Cavaliers impurs. Les deux chorégraphes et performeuses nous proposent un duo qui exagère de façon volontairement outrancière nos gestes quotidiens et joue ainsi avec les totems de nos sociétés. Se mouvant sur une énorme boîte en carton, elles esquissent des pas de danse qui empruntent à l’esthétique classique comme à la chorégraphie des boîtes de nuit, parodient des hymnes symboliques comme « La Marseillaise » et se gaussent des standards de la virilité en détournant à l’aide d’un mètre-ruban la sempiternelle préoccupation masculine du plus long des organes… Les corps sont mécanisés, les visages grimacent, marques de ce corsetage des corps et des âmes qui n’est plus interrogé.

 

Au contraire de Une Vie d’acteur, le duo Latifa Laâbissi/Antonia Baehr ne se résume pas à sa dimension comique. Il s’inscrit dans les grandes traditions satiriques du spectacle vivant, où le « mécanique plaqué sur du vivant » laisse entrevoir la possibilité d’un monde moins désincarné. En complément de la pièce, le FRAC accueille un film de Isabell Spengler et Antonia Baehr, Die Hörposaune, qui joue des codes queer pour interroger notre rapport au corps et à la sexualité. Dans un espace conçu par Nadia Lauro, Jule Flierl et Antonia Baehr feuillettent des albums pop-up consacrés aux plantes dont les dessins et découpages, filmés en gros plans, évoquent volontiers des vulves féminines. Elles accompagnent ces images de vocalises suggestives, parfois en allemand, parfois réduites à des sons inarticulés qui bâtissent un à côté du réel.

 

Manipulation et domination

 

En mettant en question ces totems que nous ne voyons même plus, Latifa Laâbissi et Antonia Baehr représentent donc les rapports de domination à l’œuvre dans nos sociétés. Cette préoccupation, ô combien actuelle !, apparaît également dans deux spectacles conçus par des femmes, Extra life et L’Agrume.

 

L’Agrume est joué par Marie-Bénédicte Cazeneuve, dans une mise en scène de Mélissa Barbaud à partir d’un texte de Valérie Mréjen. Cette dernière nous y raconte une histoire d’amour pour le moins décevante, celle qu’elle vécut pour un homme qui revendiquait de se battre « contre l’enchaînement de l’homme libre à la femme adhésive ». Au-delà de la belle homéotéleute (« libre » / « adhésive »), qui oppose, de façon catégorique et catégorielle, la liberté masculine à l’attachement féminin (on aura compris que l’homme en question n’est pas un grand féministe), comment espérer vivre une histoire d’amour épanouissante avec un homme qui fait profession de ne pas aimer ? La narratrice est rivée au téléphone, attendant désespérément le coup de fil de cet amant en forme de fantôme.

 

L’intérêt du texte de Valérie Mréjen est qu’il déconstruit, avec précision, les ressorts de la manipulation dont est victime la narratrice sans jugement et sans pathos. Au contraire, c’est par le recours à l’humour qu’elle rend compte des processus pervers. Le Musée des Beaux-arts de Rennes, investi pour l’occasion, voit ainsi Marie-Bénédicte Cazeneuve évoluer d’un téléphone à l’autre, d’un plan de métro à l’autre, pour dessiner une géographie de l’attente amoureuse. « Déambulation ponctuée de stations assises », L’Agrume invite le public à suivre la narratrice dans son errance sentimentale.

 

C’est toutefois Extra life le clou du festival. Gisèle Vienne y met en scène deux jeunes adultes, Clara et Félix, qui furent violé.es par leur oncle durant leur enfance. Prolongeant une fête sur un parking désert, dans une voiture à l’arrêt, iels se moquent d’une émission sur les extraterrestres que crachouille l’autoradio. Iels écoutent, malgré tout avec attention, ces récits de rencontres du troisième type, où les personnes enlevées par des aliens affirment s’être retrouvées dans un trou temporel. Cette distorsion du temps entre en résonance avec le traumatisme qu’iels revivent sempiternellement, tandis que cette histoire de monstres venus d’une autre planète leur paraît une façon d’ignorer consciemment les monstres bien réels dont regorgent nos parentèles.

 

À l’image des chronologies lacunaires des victimes de viol, la pièce présente une structure circulaire, perdant le public dans les méandres de sa mémoire. Le travail chorégraphique repose quant à lui sur l’immobilité et l’extrême lenteur, ce qui achève de déconstruire l’apparente linéarité du temps.

 

Cette perte de repère s’articule à un travail sur le double qui symbolise la dilution identitaire de Félix et Clara. Double, la Clara actuelle, diluée en deux personnages – joués par Adèle Haenel et Katia Petrowick – dont les costumes se ressemblent tout en se distinguant. Le dédoublement apparaît également dans l’important travail vocal et sonore, qui fait surgir le passé avec une distance qui ne le rend que plus inquiétant, et la présence tardive d’une marionnette qui affirme au plateau cette enfance traumatique qui refuse de disparaitre.

 

La prison morale qu’est l’inceste est enfin figurée par la création lumière de Yves Godin, dont les traits rouges découpent le plateau en une multitude de morceaux, à l’image de la psyché diffractée des personnages. À d’autres moments, la scène est noyée dans un brouillard profond, métaphore de l’âme embuée de Clara et Félix. Ainsi, Extra life n’est pas un énième spectacle sur l’inceste et la pédophilie. Grâce à la force expressive de Gisèle Vienne, il délaisse le sanglot facile pour imprégner l’esprit et le corps du public.

Festival du Théâtre national de Bretagne – du 15 au 25 novembre 2023.

 

Une Vie d’acteur, de Tanguy Viel et  Émilie Capliez – Cavaliers impurs, de Latifa Laâbissi et Antonia Baehr – Die Hörposaune, de Isabell Spengler et Antonia Baehr – L’Agrume, de Valérie Mréjen et Mélissa Barbaud – Extra life, de Gisèle Vienne.

 

Visuel : Extra life, Gisèle Vienne © Estelle Hanania