Jusqu’au 10 mai, La Scala Paris présente La Peur (Angst) de Stefan Zweig adaptée et mise en scène par Élodie Menant. Un thriller psychologique captivant, porté par un trio d’excellents comédiens.
« Lorsque Irène, sortant de l’appartement de son amant, descendit l’escalier, de nouveau une peur subite et irraisonnée s’empara d’elle. Une toupie noire tournoya devant ses yeux, ses genoux s’ankylosèrent et elle fut obligée de vite se cramponner à la rampe pour ne pas tomber brusquement la tête en avant. »
Ainsi débute la nouvelle de Stefan Zweig, publiée en 1920 à Berlin relatant l’histoire d’Irène (Elodie Menant), une bourgeoise viennoise qui trompe son mari Fritz (Aliocha Itovitch), avocat, avec un jeune pianiste. En sortant de chez son amant, une femme (Ophélie Marsaud) l’interpelle, prétend être la femme de ce dernier et la menace de tout répéter à son mari. Irène, en proie au chantage, s’enferme dans le mensonge et vit désormais dans la peur constante que son mari apprenne son aventure.
« Dehors l’attendait déjà la peur, impatiente de l’empoigner et qui lui comprimait si impérieusement le cœur que dès les premières marches elle était essoufflée. »
Tout au long de la nouvelle de Zweig, les événements sont perçus via le prisme émotionnel d’Irène. Les émotions sont à vif, la protagoniste est sur un qui-vive permanent et progressivement l’étau se resserre. La peur s’immisce partout et ne semble laisser aucun répit à cette mère de deux enfants qui se retrouve traquée dans une situation de plus en plus délétère…
Elodie Menant restitue avec brio l’état psychologique d’Irène, le sentiment d’angoisse, la crainte sous-jacente, la montée de stress au fil du récit qui pousse son personnage dans ses retranchements. Le jeu des trois comédiens, par leur prestance scénique, le texte parfaitement servi, les silences imposés et les regards intenses, contribue à plonger le spectateur au cœur du propos. La mise en scène, habile et efficace, renforce la tension du début à la fin de l’histoire. Le décor modulable, les jeux de lumière et les costumes feront le reste.
Le public se retrouve dans un véritable schéma kafkaïen, où tout semble se déliter inéluctablement. Nous sommes embarqués dans un gouffre vertigineux, dans une spirale infernale où la peur, tangible et étouffante, nous prend à la gorge.
Une pièce hitchcockienne qui vous entrainera dans un tourbillon émotionnel puissant.
Visuel : (c) Thomas O’Brien
La Peur
De Stefan Zweig
Avec Elodie Menant en alternance avec Hélène Degy, Ophélie Marsaud et Aliocha Itovitch, en alternance avec Arnaud Denissel
Jusqu’au 10 mai 2024