Dieudonné Niangouna à la MC 93 : une « Opération rumba » un peu trop étourdissante
par Julia Wahl22.03.2025
La Mc 93 accueille Opération rumba jusqu’au 23 mars. Deux frères en quête de leurs origines. Voilà le point de départ de tout bon récit mythologique. Avec, bien entendu, une femme que l’on se dispute, des rivalités aux allures fratricides et des périples à en perdre les points cardinaux. Et, surtout, une musique qui se cherche comme on la cherche, la rumba.
Une double quête des origines
D’où vient la rumba congolaise, cette musique qui fait se déhancher les un·es et les autres et que les habitants et habitantes de l’ancienne colonie belge ont mis du temps à s’approprier ? La légende veut qu’elle fut introduite au Congo par le roi Baudouin, pour détourner les Africains et Africaines de toute velléité de révolte. Toujours est-il qu’elle fait désormais partie des mœurs, comme en témoigne la troupe réunie par Dieudonné Niangouna.
On l’aura compris, Opéra rumba mêle à la quête des origines des deux frères celle de la rumba congolaise. Autant qu’à une archéologie de cette danse populaire, le spectacle se livre à ce qui ressemble fort à une fête, au sens quasi mystique du terme : fêter, célébrer avec la majesté des cérémonies rituelles, cette danse vouée à mater les révoltes d’esclaves, mais que les colonisé·es ont réussi à se réapproprier.
Pour ce faire, l’auteur-metteur en scène a réuni autour de lui des danseurs et des danseuses accompli·es. La précision de leur mouvement (la chorégraphie est de Stella Keys Ladys) et leur entrain, souvent communicatif, contamine le public. La musique est jouée à vue par Pierre Lambla et Rodriguez Vangana (en alternance avec Costa Mbunda). Ces mentions sont d’importance : hymne à la ramba, la pièce apparaît en grande partie comme une suite de tableaux musicaux et chorégraphiques.
Une esthétique de la profusion
À cela s’ajoute une esthétique de la profusion qui informe chaque parcelle de temps, chaque centimètre d’espace. Ainsi en est-il des costumes, aux couleurs franches, dont la netteté est mise en valeur par la création lumière de Laurent Vergnaud. Ainsi en est-il aussi des masques dont se coiffent plusieurs personnages, qui font signe vers le conte autant que vers la cérémonie théâtrale. Ainsi en est-il, enfin, de la scénographie signée par Dieudonné Niangouna : un bateau domine le fond de scène, avec lequel joueront plusieurs personnages, quand l’avant-scène est rapidement occupé par une cuve dont les fonctions évolueront avec le temps. Un écran clôt le dispositif scénique : des interviews y alternent avec des animations imitant des flots aux allures improbables, aux couleurs empruntées à Van Gogh. Opération rumba renouvelle ici la toile peinte en la rendant mouvante et en faisant fi de toute mimesis.
On reconnaît ici des traits propres à Niangouna : la profusion, la musique, les masques… pour ne citer qu’eux. Toutefois, cette abondance de formes et d’histoires finit par nuire, non à la clarté du propos – cela ne serait pas forcément un mal – mais à l’attention du public, étourdi par ce tourbillon. Il ne reste plus alors du spectacle que ses musiques et ses danses, réussies, certes, mais qui font passer la narration en arrière-plan.
Opération Rumba, texte, mise en scène et scénographie de Dieudonné Niangouna.
À la MC 93 jusqu’au 23 mars.
Visuel : © Guillaume Heraud
