Nos parents ne joueront jamais au tennis, au badminton, au golf. Ils n’iront jamais au ski. Ils ne mangeront jamais dans un restaurant gastronomique. Ils n’achèteront jamais un bureau Louis-Philippe, une bergère Louis XV, des assiettes Guy Degrenne, des verres Baccarat, ni même un store Habitat.
Comprendre
Depuis les attentats et l’injonction anti-amalgame, nous nous étions assoupis à ne rien vouloir comprendre, nous tenant loin de la stigmatisation ou de l’amalgame. De peur de mal penser, nous avions renoncé à penser.
Le texte de Ahmed Djouder vient nous sauver de cette torpeur. Après des études de psychologie et de journalisme, Ahmed Djouder exerce une dizaine d’années comme directeur de collection chez Flammarion. En 2006, il publie Désintégration. Le texte est brillant ; il échappe aux faciles explications, car il n’explique pas justement avant de décrire au plus près. Le texte est indéniablement courageux, il rince à la façon d’une catharsis.
La pièce de Kheiredinne Lardjam en devient utile, indispensable même. Elle se mesure dans une première partie au patriarcat archaïque, à la misogynie, à la peur du sexuel et du féminin, à la déficience des pères phobiques, à l’hypocondrie des mères soumises, à la valeur superfétatoire de la famille, à l’islam qui organise l’économie sexuelle et le repli sur soi. Avec humour et auto-dérision, mais sans complaisance. Dans une seconde partie tout aussi clairvoyante, nous nous confrontons à la douloureuse morsure du mépris, de la peur, de la ségrégation et du racisme. Entre la Charybde de la faute et la Scylla de la victimisation, Lardjam nous fait naviguer en eaux agitées, mais tellement nécessaires.
Français
Et comme à chaque fois avec Kheiredinne Lardjam, par des tableaux mêlant habilement décor, lumières, vidéo et musique, notre odyssée est une expérience du beau et du vivant. Où les trois comédiens talentueux restituent le texte et son esprit. Sans démonstration, Linda Chaib, Azeddine Benamara et Cédric Veschambre nous livrent un faisceau de témoignages bouleversants. Loin des lieux communs et des raccourcis, ils incarnent des destins, des parcours de vie. Et des désirs, ceux auquel ils renoncent et ceux qu’ils exigent. Au centre, le désir brûlant et paradoxal d’être français alors que déjà français.
La pièce est une proposition à penser autrement.