Sorti de l’écurie PARTS, Némo Flouret ne cesse de se développer comme danseur et chorégraphe. Sa troisième pièce (sa deuxième en solo) le fait entrer dans la cour du lycée Saint-Joseph. Dans une scénographie où jamais le carton n’aura eu l’air aussi solide, il danse, chante et fait crier que, si le monde est en miettes, le mouvement le sauvera, avec rigueur, beauté et précision.
Sur scène, il y a une immense structure en métal surplombée d’une vigie rouge. Pour le moment, seulement une trompettiste joue un morceau qui pourrait être issu d’une fanfare. Le son est là pour nous étourdir très vite, et il va rapidement, nous le verrons, être augmenté. Puis, le titre du spectacle devient explicite. Sans tout vous dire, signalons que nous assistons, oui, aux derniers feux, ceux du monde où les feux d’artifice étaient encore autorisés en Provence, par exemple, avant que tout ne soit aussi sec que du carton cuit au soleil.
Puis, les danseurs et danseuses arrivent. Iels envahissent le plateau, mais contrairement à la Delirious Night de Mette Ingvartsen, Némo Flouret sait exactement comment ranger l’apocalypse, comment trouver du calme dans le brouhaha le plus total. Il sait exactement où nous faire regarder en nous exposant, au milieu de la foule gesticulante, un pas de trois parfait, en trois fois huit temps très keersmaekeriens. Il y a des bras qui « fasent » presque, et c’est dans ce « presque » que cette nouvelle écriture débarque. Des mains levées, des bascules d’avant en arrière d’une jambe sur l’autre, et des courses arrêtées avant qu’elles ne deviennent trop évidentes se dessinent.
Autour, les autres semblent être en plein déménagement. Il y a des lettres immenses, mais qui ne forment aucun mot. Plus rien n’a de sens, semble nous raconter la pertinente scénographie de Philippe Quesne. Calvin Carrier, Némo Flouret, Rafa Galdino, Tessa Hall, Philomène Jander, Per-Anders Kraudy Solli, Jean Lemersre, Rubén Orio, Susana Santos Silva, Sophie Sénécaut, Wan-Lun Yu s’emparent, par le corps et la musique, de ce monde où les drapeaux sont remplacés par des mailles bien coupées.
De Némo Flouret, nous avions déjà adoré sa pièce immersive et déambulatoire 900 Something Days Spent in the XXth Century, et son duo — pour Le Louvre, excusez du peu — avec Anne Teresa de Keersmaeker. Nous avions déjà repéré la façon très singulière qu’a ce garçon d’écrire une danse du XXIe siècle. Elle se caractérise par des bras qui deviennent de puissants moulinets, comme si le corps devait encore et toujours s’armer avant d’agir contre la catastrophe. Et puis il y a les courses, et les sauts qu’il fait vriller et tourbillonner dans les airs.
Dans son écriture précise, sa dramaturgie maîtrisée, il montre qu’il est possible de garder un cap en pleine tempête. Une séquence d’unisson finit de nous séduire par son élégance. Il met en scène la machine chorégraphique au travail, il insiste sur des répétitions soignées, à grande proximité du public, pour au final donner une réponse claire à une question qui serait : à quoi ressemble la danse du XXIe siècle ? À un grand bouleversement extrêmement bien organisé.
يقدم نيمو فلوريه عرضًا راقصًا وسط مشهد معدني ضخم تصدح فيه الموسيقى وتتراكم الأصوات والصور، كأننا في نهاية العالم. لكن وسط الفوضى، تظهر كتابة دقيقة ومدروسة، حيث تتحرك الأجساد بتناغم وانضباط. العرض يحوّل الكارثة إلى لحظة من الجمال المنظم، ويقترح شكلًا جديدًا للرقص في القرن الحادي والعشرين: فوضى متقنة التنظيم.
Némo Flouret presents a dance performance amidst a vast metallic structure, with blaring brass and a landscape on the brink of collapse. Yet, from this chaos emerges a precise and intentional choreography. Bodies move with clarity, resisting disintegration. The piece transforms disaster into a beautifully structured event, offering a bold answer to what 21st-century dance might look like: a carefully orchestrated upheaval.
Du 19 au 25 juillet à la cour du lycée Saint-Joseph
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel: © Christophe Raynaud de Lage