Après Poings, le Monfort Théâtre accueille la reprise d’une pièce culte du collectif Das Plateau à destination du jeune public : Le Petit Chaperon rouge, créée au Festival d’Avignon 2022.
Un Petit Chaperon rouge sans bobinette qui choit ni galette ou petit pot de beurre : bien qu’elle s’adresse aux enfants, la version du conte que nous offre Das Plateau joue avec ses illustres intertextes que sont les textes de Perrault et des frères Grimm. C’est d’ailleurs surtout vers ce dernier que se tourne Céleste Germe. Plus optimistes que leur prédécesseur français, les romantiques allemands, on s’en souvient, font intervenir un chasseur qui délivre la jeune fille et sa mère-grand.
Mais, ce dont on se souvient moins, c’est que, lorsqu’un second loup entreprend le Chaperon, celui-ci, averti, se défend. Cette figure d’empowerement féminin, qui a, on ne sait comment, échappé aux traditions culturelles et littéraires, sera au cœur de la proposition de Das Plateau.
La bonne idée du collectif est d’éviter de rendre cette approche, un rien anachronique, trop présente. La question de la prise de pouvoir est symbolisée par une peau de loup qui passe du mammifère séducteur à l’adolescente émancipée, pendant guerrier du rouge chaperon. Aussi la morale évite-t-elle ici l’expression trop explicite de Perrault.
En outre, le plateau est dédoublé d’un fond de scène sur lequel il se reflète en une plongée cinématographique : ce dispositif, qui durera tout le spectacle, signifie la multitude de points de vue qui s’offre à nous lors de la lecture du conte et nous invite ici à nous émanciper du regard légitime.
L’émancipation, ici, ne touche pas les seul.es personnages et spectateur.rices : les éléments naturels de la narration se libèrent par instants du fil narratif, faisant place, par un habile jeu de miroir déjà présent dans Poings, à une forêt fantasmée faite d’ocre, de vert et de bleu en constante évolution, digne d’un film de Demi – la dépouille du loup n’évoque-t-elle pas celle de Peau d’âne ?
Si ce chemin de traverse, qui nous fait prendre, à la suite de l’héroïne, la route détournée des jours d’école buissonnière, ne peut que charmer parents et enfants, on aurait aimé que les personnages et les acteurs.rices, iels aussi, s’émancipent quelque peu du récit. Certes, comme il est de coutume dans le théâtre contemporain, il arrive que Maëlys Ricordeau et Antoine Oppenheim échangent ponctuellement leurs personnages ou passent du récit à l’incarnation. Il n’empêche : leur présence est en retrait, à la manière de simples utilités ou faire-valoir de l’ingénieux dispositif scénique. Ce Petit Chaperon rouge n’en est pas moins un spectacle réjouissant et intelligent, aux multiples niveaux de lecture.
Le Petit Chaperon rouge, collectif Das Plateau – Céleste Germe. Du 15 au 18 mai au Monfort Théâtre, mercredi à 14h30, jeudi à 10h et 14h30, vendredi à 10h et 19h et samedi à 14h30.
45 min – grande salle – dès 5 ans
Visuel : ©Simon Gosselin