Danse

« Vagabondages et conversations », le pas de deux ludique de Christian Ubl et Gilles Clément au festival Playground

par Amélie Blaustein-Niddam
19.11.2025

Présenté en date unique au Théâtre du Fil de l’eau à Pantin, le chorégraphe et le jardinier nous amusent, toutes générations confondues, à un dialogue bien décalé sur le vivant.

« Le jardin est un territoire du maintien de l’espérance »

Tout commence par la douce mélodie du titre « Secret Garden » de Madonna, puis ils arrivent chacun d’un côté de la scène, ils s’approchent dans un pas un peu chaloupé, les bras tendus l’un vers l’autre. Quand ils sont enfin réunis, la connivence et l’amitié sont palpables. Ces deux-là s’entendent et s’écoutent. Et voici qu’ils se mettent vraiment à danser l’un avec l’autre. Les gestes sont simples, mais tout de même ; Gilles Clément suit le rythme jusqu’à vriller sur lui-même. En interview, Christian Ubl nous le présentait : « Gilles Clément est une personnalité très inspirante qui a toujours travaillé en lien avec la nature, les jardins et les semences. Il a développé des concepts fascinants, comme le jardin en mouvement ou le jardin planétaire, qui interrogent notre existence et nos actions dans ce monde. » Et rapidement, il va nous parler, à l’occasion d’une fausse interview sur Radio France Futur, de la circulation du vent qui, comme dans ce poème de Giono, « monta de la mer. Il est chargé de nuages. Il souffle seulement au printemps. Il traîne sous lui la pluie et la chaleur (…). » Un vent qui, dans son parcours, redistribue les graines pour aller les planter ailleurs, bien plus loin, pour qu’elles se mélangent à d’autres terres et deviennent d’autres plantes, dont les fleurs seront butinées par d’autres abeilles, et dont les noyaux seront mangés par d’autres animaux. Que tout se mélange, dans une biodiversité renouvelée.

« J’essaie de mettre en l’équilibre »

Pendant qu’il parle, lui danse, et il danse bien. Christian Ubl est un habitué des grands plateaux, par exemple pour l’excellent The Way Things Go qui avait ouvert la dernière édition des Hivernales à Avignon, mais il aime aussi provoquer des duos assez improbables, comme dans Garden of Chance en 2019 lors d’un Sujet à vif magique. Ce Vagabondage se place donc dans ses envies de rencontres assez improbables. Le voici entrant dans la lumière d’un soleil, dans un mistral tourbillonnant, ou bien allant chercher profondément dans le sol une source fertile. La danse de Christian est excessivement généreuse et accessible. Il s’amuse à citer, exemple à l’appui, des mouvements iconiques de l’histoire de la danse, de Fase d’Anne Teresa de Keersmaeker à la danse serpentine de Loïe Fuller.

« Il existe parce que vous l’avez regardé »

L’ensemble est un délicieux bonbon qui vous ramène à vos sensations les plus légères. Les propos de Gilles Clément permettent de relativiser nos situations parfois humainement douloureuses ; il revient aux fondations, à l’eau, rien que de l’eau, et pas celle des larmes non, celle qui tombe du ciel comme un miracle pour que, avec ou sans nous, la nature garde ses droits et sa capacité à exister pour l’éternité. En s’inscrivant dans la filiation de la danse contemporaine et en y apportant sa marque personnelle : le ludique. Il a été formé chez Coline et a dansé pour les plus grands : les Carnets Bagouet, Thomas Lebrun. Avant cela, il a suivi les cours de l’école Trisha Brown et il aime infuser toutes ses influences dans ses pièces, et celle-là ne fait pas exception. Présentée dans le cadre du festival jeune public des Rencontres chorégraphiques en Seine-Saint-Denis, la pièce trouve un écho merveilleux chez les enfants et les adolescents qui se tordent de rire face à ce duo de messieurs qui osent tout, même se déguiser en girafe s’il le faut. Les adultes, eux, adorent voir se dérouler un pas de deux joyeux et pourtant sérieux, qui, en temps de réchauffement climatique et de crispation politique, permet de laisser le pire en dehors des portes du théâtre.

Le festival Playground, jusqu’au 30 novembre

Informations et réservations

Visuel : @ j2mc

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