Danse

« Unisson », la tendre manifestation de Yaïr Barelli au Focus jeunes créateurs du Théâtre de la Ville

par Amélie Blaustein-Niddam
25.09.2025

Le nom de Yaïr Barelli est associé à celui de Christian Rizzo pour lequel il a dansé. Il a également commis deux solos drôles et grinçants, Dolgberg et ZAMAN contre sans toi. On le découvre chorégraphe pour les autres dans un travail très propre sur les lignes et les mots.

Love, love, love

Tout commence par une très belle entrée en matière. Un pas ternaire obsédant et répétitif à souhait se décline. Un par un, les interprètes de toutes générations, tous genres, toutes tailles et toutes origines marchent en deux demi-pointes et un léger glissé à plat vers l’arrière. Cette marche, très classique dans les esthétiques chorégraphiques depuis la post-modern dance des années 60 et 70, va tordre la forme. Le groupe se croise sans changer de geste. Le même pas permet d’aller un peu ailleurs, vers d’autres types de relations entre elles et eux. Et puis ce pas, et cela fonctionne, devient une marche militaire. On le voit, l’unisson, pour ce groupe-là qui évolue en jean bleu, tee-shirt blanc et pieds nus, vraiment 90’s, n’est pas que cool. Ensemble pour le meilleur et pour le pire, donc, pour suivre des ordres sans les comprendre, mais aussi, de façon très jolie, pour se glisser dans une ronde typique des danses israéliennes, un mix de gestes issus de la culture juive hassidique et des cultures désacralisées, où les jambes se croisent et les mains restent jointes. Le religieux et le séculier sont au cœur, visiblement, des tensions qui occupent l’esprit très plein de Yaïr Barelli qui, c’est un bémol pour ce travail présenté en clôture du focus Jeunes créateurs du Théâtre de la Ville, ne semble pas vouloir choisir entre tous les sujets qui le préoccupent.

Démocratie

Il accumule les références qui vont d’une messe à des tubes interplanétaires comme All You Need Is Love des Beatles. L’écriture est donc accumulative, elle ne cherche pas le mouvement mais l’illustration quasi littérale d’un propos. Yaïr Barelli assume cette volonté qui est un peu trop lisse pour un regard affûté. Le groupe est extrêmement attendrissant, et on ne peut que les aimer et les suivre quand Charles Essombe, Claire Haenni, Felipe Javier Heredia, Stéphane Imbert, Martina Musilova, Yuma Pochet et To’a Serin-Tuikalepas nous demandent de croire ensemble à la démocratie quand elle est si en péril partout.

La volonté de faire un unisson est au-delà de louable, et il faut l’écrire : faire entendre de l’hébreu sur une scène aujourd’hui, alors que la haine antisémite a explosé depuis le 7 octobre 2023, tient du courage le plus merveilleux. Yaïr Barelli est né à Jérusalem, il vit en France depuis très longtemps, et dans cet Unisson il nous partage tout ce qui le constitue comme être humain. La pièce devient un manifeste à saluer pour le maintien d’un universel qui dépasse toutes frontières, toutes différences.

Du point de vue chorégraphique, il pose un jalon intéressant dans un champ qui se niche entre la danse de ligne et la non-danse. Ce n’est pas étonnant, car il a été interprète dans ces esthétiques-là auprès de Jérôme Bel, Christian Rizzo notamment.

Unisson est un joli moment plein d’espoir qui fait le plus grand bien au moral.

Au Théâtre de la Ville-Abbesses, à 20 heures, le 25 septembre 2025.

Visuel : Théâtre de la Ville