Pour la première fois en France, l’artiste rwandais Cédric Mizero faisait escale à la Ménagerie de Verre, dans le cadre du Festival d’Automne, pour tenter de nous faire entrer dans un rituel, une mythologie, sans jamais vraiment réussir à y parvenir.
Tout commence dans une partie du Off, la grande salle de la Ménagerie. Nous découvrons une image fascinante. Nous voyons une artiste dans la pénombre finir de tisser une grande tête de vache, et sur un grand écran, deux hommes descendent le flanc d’une colline armés d’une carcasse suspendue à un grand bâton. La dichotomie est immédiate entre la viande attirant les mouches et la finesse de cette sorte de broderie. On apprend via l’interview donnée dans le programme de salle qu’« UMUNYANA est une sorte de mythologie. C’est un mot qu’on utilise pour désigner un esprit qui apparaît sous la forme d’une petite vache. On dit souvent que si tu peux voir UMUNYANA, cela veut dire que tu as de la chance et que tu vas vivre longtemps. C’est une figure qui apporte la longévité. Ce que j’aime aussi, c’est que ce mythe se raconte de différentes façons : certains y voient une force positive, d’autres une menace, car on dit aussi que si l’esprit te voit en premier, tu peux mourir. Cette ambivalence m’intéresse, car elle unit les gens autour de croyances multiples, et relie aussi la vache à une dimension spirituelle, presque divine. »
Le spectacle nous entraîne dans deux autres espaces du lieu qui vont augmenter le rapport à la chorégraphie et multiplier les symboles. Les cornes deviennent des instruments à vent et les corps eux-mêmes des vaches. La position de départ serre les jambes l’une contre l’autre, place le dos en avant et lève les bras vers le ciel, puis les pieds, tels des enclumes, martèlent, centre de gravité rabaissé, le sol comme pour invoquer ces esprits.
Pendant les trois temps, un film nous montre des dizaines d’hommes et de femmes dans la nature au Rwanda. On les voit prendre soin de ce qu’il reste de ces vaches, on voyage autour des éléments : l’eau, la terre et le feu. On a la sensation que ce que le film montre est plus intéressant que le geste au plateau. Peut-être que la pièce devrait se vivre en extérieur ; en tout cas, sa transposition à Paris, dans une boîte blanche, met l’objet à distance, alors qu’il devrait se rapprocher de nous dans une démarche de dialogue interculturel. Mais le quatrième mur, extrêmement créé par l’écran, qui fascine par la masse des interprètes sollicités, ne tombe jamais.
English summary:
The performance begins in the Off section, at La Ménagerie, where an artist weaves a large cow’s head in dim light as two men on screen carry a carcass down a hillside. UMUNYANA, a mythological figure that appears as a small cow bringing either fortune or death, anchors the work’s spiritual tension. The show expands into new spaces where bodies become cows, invoking spirits through movement. Yet, despite powerful film imagery from Rwanda showing people caring for their sacred cows, the stage action feels distanced — perhaps the piece belongs outdoors. In Paris’s white box, the screen’s fascination prevents the fourth wall from ever breaking.
La pièce était présentée du 23 au 25 octobre à la Ménagerie de Verre
Visuel : ©Tobias Zangl