Chorégraphe emblématique de la scène québécoise, Frédérick Gravel réactive et réactualise un quatuor testostéroné créé en 2010
Pour sa première venue à Avignon, c’est depuis le plateau des Hivernales, où quelques bouteilles de bière trainent, que Frédérick Gravel s’adresse à nous. À la manière d’un one man show, debout, au micro, il raconte ses difficultés, en tant qu’homme et artiste, deux objets potentiels de désirs. Tandis que la connivence et l’empathie commencent à gagner la salle face à de telles confidences, le spectacle bascule dans un tout autre genre : celle du « show macho » où la domination, l’arrogance et l’agressivité sont légion. C’est ainsi que quatre hommes de type américains, à l’apparence presque ordinaire (casquettes de baseball sur la tête et bottes de cow-boy aux pieds ) se mettent à jouer avec leur bouteille de bière, jusqu’à se laisser submerger par leurs pulsions lubriques. Voilà, voilà, le ton est donné. Comme son ami Dave Saint-Pierre, pour qui il a dansé, Frédérick Gravel joue avec les registres et aimer pousser l’humour jusqu’au trash.
C’est ainsi qu’une heure durant, on passe d’une scène d’humiliation masculine au numéro de pole dance en perruque. On rit, jaune, parfois, on salive. Et surtout, on plonge avec délice dans les séquences dansées, véritables bulles de respirations. Prise en charge par trois danseurs (dont Frédérick, accompagné de Dany Desjardins et David-Emmanuel Jauniaux, aux corps bien sculptés), l’écriture chorégraphique est conduite par la force de la gravité, la puissance de l’unisson, la beauté des corps et son animalité. Composée en live sur le plateau par le multi-instrumentiste Stéphane Boucher, la musique, elle aussi, joue avec les styles. Elle vient souligner la danse, rythmer le propos ou en contrepoint, pour le décaler.
Si, en revisitant cette pièce volontairement foutraque, écrite il y a près de quinze ans, Frédérick Gravel prend le risque de paraître dépassé, il n’en est rien. Tout au contraire, en surlignant à outrance les archétypes des hommes cis-blancs mais aussi leur vulnérabilité et faiblesse, la pièce donne voir le temps qui passe et son changement d’époque. Car « Tout se pète la gueule, chérie » a le don de nous faire observer que, notre regard sur la masculinité à bel et bien changé et que l’ordre patriarcal est en train de se renverser. Et ça, c’est tant mieux, merci Frédérick.
Jusqu’au 16 juillet aux Hivernales, CDCN d’Avignon
Visuel © Juan Saez
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