« They always come back », le coeur des hommes de Bouchra Ouizguen aux marches du Palais

Des fourmis aux fantômes

On se souvient des femmes fantômes d’Ottof, qui signifie « fourmis » en berbère. La pièce montrait comment ces femmes, travailleuses acharnées, si indispensables à la structure familiale et pourtant invisibles, étaient tenues pour acquises dans le monde qui les entoure.
On se souvient de Jerada qui tournoyait à nous rendre fous. Nous voici nombreux et nombreuses, assis·es par terre, sur les pierres chauffées à blanc par le soleil du sud. Un son surgit d’on ne sait où, une litanie de voix, de tambours et de cuivres. Et puis ils arrivent. Il y a un homme seul, en bas, recouvert d’une cape blanche, et en haut une armée d’hommes en noir qui l’observent.
L’homme seul avance lentement, les bras se recourbant jusqu’à cacher son visage, le corps déjà possédé par des rebonds pas encore en élévation. Et puis il se charge d’un geste qui le tord comme un serpentin et qui va jusqu’à le faire courir ou le mettre à même le sol.

Se frôler pour mieux danser

Dans une référence directe à Pina Bausch, ces gars que l’on craignait se mettent en ordre de farandole, guidés par leurs bras qui montent et descendent pour finir en arabesque derrière le dos. Il faudrait qu’ils se croisent et s’apprivoisent pour accepter de danser ensemble. Cela prend le temps d’une danse en deux groupes, qui reprennent les motifs du solo en l’augmentant. Une jambe en suspension, le dos tire en arrière puis redescend vers le bas.
Au fur et à mesure, ils deviennent les invités d’une fête où l’on s’éclate sur le hip-hop si efficace de Little Simz et le percutant Point and Kill. Ce n’est pas si simple de lâcher prise pour des hommes ; ils font même un pas de côté vers l’opéra, Norma de Bellini.

Une fête de talents

Plus on les regarde, plus on les trouve professionnels. Ce groupe d’amateurs recruté dans le territoire est un vivier de talents monstre. On a vu des torsions d’épaules, des sauts aux amortis élastiques à faire pâlir les plus grandes compagnies. On a vu aussi, surtout, de la joie et de la tendresse entre eux, des prises en mains sérieuses et une envie d’en découdre avec la vie, comme cet homme qui a sauté du balcon du Palais des Papes dans une chute impeccable.

Nous avons oublié de dire que cette pièce si généreuse et si belle est présentée gratuitement, seulement demain à 19 heures. Ne manquez pas cela.

Abstract :

In a scorching southern sun, a powerful and generous piece brings together amateur male dancers in a poetic and liberating choreography. Starting with a lone man in white, observed by a group of men in black, the performance evokes struggle, transformation, and collective joy. From Pina Bausch-inspired sequences to bursts of hip-hop and even opera, the piece offers a celebration of bodies, vulnerability, and community. These non-professional performers, drawn from the local area, reveal extraordinary talent, emotion, and strength. Presented for free, the show is a rare moment of grace and shared celebration.

الملخص بالعربية الفصحى :

في شمس الجنوب الحارقة، يجتمع راقصون هواة في عرض قوي وسخي، يقدم رؤية شعرية ومحرّرة للجسد الذكري في حركته الجماعية. يبدأ العرض برجل وحيد يرتدي الأبيض، تحت أنظار مجموعة رجال يرتدون الأسود، لنشهد تحوّلاً تدريجيًا من الانغلاق إلى الانفتاح، ومن الهيبة إلى الفرح. تتنوع الرقصات بين تأثيرات بينا باوش، وموسيقى الهيب هوب، بل وحتى الأوبرا. هؤلاء الراقصون غير المحترفين، الذين تم اختيارهم من المنطقة، يبرهنون على طاقة فنية وعاطفية مذهلة. العرض يُقدّم مجانًا، وهو لحظة نادرة من الجمال والاحتفال المشترك.