Le Festival June Events et le Carreau du Temple nous invitaient hier soir à entrer dans l’univers queer et férocement intelligent du chorégraphe Arthur Perole.
Dans une tendance forte dans la danse depuis quelques années, la voix est devenue le muscle premier. Dans Tendre Carcasse, cela est très vrai. Tout commence par des voix off qui nous parviennent pendant l’entrée du public. Il est question de tout et de rien, mais surtout de soi. L’intime est le fil conducteur de ce quatuor composé d’Arthur Bateau, Matthis Laine Silas, Elisabeth Merle et Agathe Saurel qui désormais ont pris corps devant nous. Aligné.e.s ils et elles se présentent et déclinent leur âge. Ils et elles ont tous et toutes moins de 30 ans et dansent depuis quelques années. Chacun, chacune se raconte et pour le moment les mouvements se limitent aux récits pris dans les lèvres. Et puis le geste s’accommode. Le lipsync devient personnel. Les mains portent la parole. Les mots dits se dégagent du premier degré de connaissance. On sait leur nom, leur âge, leur lieu de naissance, des détails superficiels (« j’ai neuf piercings »). Et si on rentrait un peu plus dans le dur ?
C’est cette punchline dingue qui permet justement aux interprètes de se désolidariser. Le dos droit à la perpendiculaire, Agathe étire le groupe jusqu’à une douce dislocation. Car il s’agit de retrouver de la singularité dans le collectif et de permettre une écoute sans jugement. Par exemple, Elisabeth nous parle de ses cheveux frisés, des attaques racistes qu’elle subit. Matthis de sa relation particulière à la mer, Arthur de ses questions de genre. Le rythme grimpe, l’amplitude s’invite. Chacun et chacune dans leurs écritures propres. Chez Elisabeth, le bassin se relâche comme chez Trisha Brown. Chez Arthur par exemple, les saccades s’emparent de lui comme dans un rythme techno. Matthis va chercher bas et profond. Agathe se glisse en elle avec force. Pendant que la danse s’installe, les discours et leur écoute évoluent. Désormais, il y a des cercles, des lignes qui se croisent, des paumes de mains qui se prennent appui l’une sur l’autre. Et plus ça avance, plus ça infuse.
Au fur et à mesure que la pièce avance, Tendre Carcasse change de niveau pour devenir un portrait à quatre corps de danseurs et danseuses. La voix passe en second plan une fois les identités toutes assumées. Dorénavant liberé.e.s du fardeau du partage, ils et elles avancent plus fièr.e.s que jamais, dans des costumes qui jouent avec les codes des reveal des strip-teases ou des drags queens, vous choisirez. Tendre Carcasse est une fête, une vraie, à laquelle on aimerait bien participer pour de bon, à la fin d’ailleurs. Sauts enfantins, saccade de club et gros yeux sont le terreau de ce jardin à paillettes merveilleux qui déborde de joie et de générosité.
Du 4 au 16 juillet à 17h, au festival On (y) danse aussi l’été ! – Les Hivernales CDCN, à Avignon
Visuel : ©Nina Flore Hernandez