« Tap into the light » la claque de Kazunori Kumagai

Ce jeune homme passionné par les claquettes, part à vingt ans se former à New York auprès des meilleurs : Ted Levy claquettiste américain que l’on a vu en France en 1994 au festival Suresnes cité danse au côté de Savion Glover et, Gregory Hines danseur – chanteur- musicien qui s’est produit aussi bien dans les boites de jazz qu’au cinéma notamment dans Cotton club…Il en revient fort d’une technique éclatante et d’un sens du rythme sans faille. Il ouvre alors son studio de claquettes et se produit dans les clubs de jazz japonais. De ces années New yorkaise il garde le gout pour le partage avec les musiciens et l’art de l’improvisation, ce qu’il mettra parfaitement en œuvre devant nous pendant 1 heure.  

Une nappe musicale nous accueille dans la salle. Sur le plateau une estrade sonorisée, éclairée, prête pour la danse et une paire de chaussures. Le danseur veste rouge et pantalon noir, arrivant par la salle, rejoint l’espace qui lui est dédié, enfile les chaussures qu’il lace sereinement, s’en suit une improvisation solo dévoilant tout son potentiel. Le regard focalisé sur ses frappes de pieds, il enchaine le vocabulaire propre à cette danse, 1 son, 2 sons, 3 sons ; clap, brush, slide, shuffle, ball change etc. Une partition arrive à nos oreilles démontrant son appétence pour la combinaison de structures rythmiques. Le spécialiste en admirera la virtuosité, le béotien la vitesse et une forme d’intrépidité dans l’exécution des pas. Le corps légèrement courbé on ne sait s’il danse, ce n’est pas Fred Astaire, mais son être semble habité par une pulsation qui envahit la salle.  Rythme, rythme, rythme devient sa doctrine, technicité et contrôle sont là pour parfaire la démonstration. 

Rejoint pour un deuxième temps par Toru Dodo pianiste japonais formé au Berklee College of Music de Boston et Alex Blake contrebassiste ayant joué avec Dizzy Gillespie Sonny Rollins ou Sun Ra, il porte toute son attention aux musiciens ; ses claquettes deviennent un instrument à part entière du Trio. La forme concert de jazz nait de cette rencontre. Le public se laisse aller aux sollicitations musicales improvisées qui osent convoquer la musique classique comme Le clair de lune de Debussy, le jazz pur – on croit reconnaitre Chick Coréa- et se laisser séduire par le concerto d’Aranjuez si souvent entendu. Dans ce contexte, il continue sa démonstration sachant jouer du volume sonore et des nuances. Sa capacité aux changements rythmiques autant que la diversification de ses propositions s’affirment dans cet échange avec les musiciens. 

Kazunori Kumagai, partage aujourd’hui ses activités entre les États-Unis et le japon, on sent une certaine sagesse dans la structure de sa danse et une rigueur toute américaine. Convoquer le déséquilibre dans son travail et aller vers des formes musicales moins attendues enrichiraient certainement sa performance au demeurant fort agréable.