Au Théâtre de la Ville, dans le cadre des Chantiers d’Europe, Oona Doherty retrouve ses racines irlandaises jusqu’aux origines, dans une pièce qui souffre d’une esthétique théâtrale trop appuyée.
Edward James Doherty est né à Glasgow. Il n’avait pas plus de 10 ans quand il a été envoyé tout seul sur un bateau pour vivre avec la famille Clark à Belfast – commence la voix off en anglais. Et pendant un long temps, on va lire les sous-titres, au point même – preuve que ça peut énerver – qu’on verra inscrite cette question : – Êtes-vous toujours en train de lire les sous-titres ? -, une fois que la danse sera enfin délivrée.
Mais revenons au début du spectacle. Durant un temps long, la danse est juste un agrément extrêmement illustratif d’un récit où il est question de son grand-père, surnommé Specky Clark. L’histoire est triste. Elle nous est montrée dans le détail : la perte des parents, le train qui arrive à Belfast, la pluie, le froid. Tout est extrêmement souligné, bien trop souligné pour nous intéresser. Ces images dignes d’une comédie musicale nous épuisent immédiatement. Heureusement, elles ne sont pas vides de danse.
Pour vous situer, Oona Doherty, c’est la fille au physique androgyne qui se bat dans Hope Hunt and the Ascension into Lazarus, récemment transmis à Sati Veyrunes, et qui, chaîne en argent autour du cou, baggy et cheveux plaqués, enrage dans Hard to be Soft. Puis on l’a vue écrire la douceur hippie de Lady Magma en 2017, et la puissance feutrée de Navy Blue en 2022. Tout ça pour dire que, depuis dix ans, une création d’Oona Doherty est considérée comme un événement.
Heureusement, elle sait écrire des mouvements viscéraux et rebondissants. Dans ces tableaux, elle imagine une fantasmagorie digne d’un conte de fée dans une boucherie, où des animaux se mettent en transe dans des unissons communicatifs. Le problème, c’est que cela arrive très tard pour nous séduire, malgré la technicité.
Erin O’Reilly a beau être une danseuse caoutchouc, portée et retournée, capable de torsions très addictives, et même si la séquence des deux sœurs jumelles qui adoptent le grand-père jeune – vieilles travelotes délicieuses qui se penchent tels des roseaux incassables – est réjouissante, l’écriture de la pièce ne suit pas.
En revanche, les références pop – le lipsync massivement popularisé par les saisons de Drag Race, ou encore les bras raides du floss – sont bien amenées.
C’est très facile à partager, très séduisant sur le papier, mais ça ne fonctionne pas. Le spectacle reste prisonnier d’une dramaturgie trop lourde, et ce n’est pas parce que la fin est géniale que cela suffit à sauver l’ensemble.