Le Festival International des Brigittines donnait à voir ce week-end l’une des premières créations de Simon Mayer, de 2016. Sept ans après, la pièce apparaît comme un manifeste encore plus frappant contre l’homophobie.
Simon Mayer assume ses identités. Le danseur, chez Anne Teresa de Keersmaeker ou encore chez Wim Vandekeybus, est autrichien. En 2017, il l’avait particulièrement bien assumé dans son solo SunBengSitting, une évocation performative décapante de sa jeunesse dans la campagne autrichienne. En 2016, dans d’autres pages, nous vous avions parlé de ce chorégraphe alors totalement inconnu. Il y a sept ans, Sons of Sissy venait apporter une pierre à l’édifice de l’inclusion des danses traditionnelles dans la danse contemporaine. En 2023, dans une période de lourd recul de la démocratie accompagné de lourdes attaques contre toutes les minorités, la pièce prend une allure autrement politique. Sissy est, en anglais, une insulte homophobe. La pièce vient inverser le stigmate pour le rendre impérial.
Comme tout bon autrichien, Simon Mayer chante le yodel et pratique le schuhplattler, cette danse aux allures identitaires et viriles adorée du régime nazi. Alors, comment la réhabiliter ? Eh bien justement, avec cette idée de l’inversion du stigmate.
Simon Mayer, Matteo Haitzmann, Patric Redl, Simon Wehrli se présentent à nous en quatuor : deux violons, un accordéon et un violoncelle. Ils sont habillés assez plouc. L’un d’entre eux, l’ange Matteo Haiztmann, porte une vaste jupe traditionnelle.
Le mot-clé ici est donc « déconstruction ». Alors que l’on pense assister à un concert, le son des musiques tyroliennes vont se fragmenter, accéder au bruit juste des pas, devenir le rythme support à une danse faite de rondes, de pas de deux typiques du schuhplattler. Les petits doigts s’accrochent pour que l’un fasse tourner l’autre, le souffle prend le dessus. La féminité s’empare de cette danse aux accents barbares. Les boucles sont hypnotiques, superbes.
Les peaux vont claquer, désormais dénudées. La violence fait son entrée, la folie s’empare du groupe. Comment pourrait-il en être autrement ? Une fois le costume tombé, le code éclaté, les structures populaires s’effondrent. Il est impossible de ne pas penser à Folk’s d’Alessandro Sciarroni, pièce dorénavant culte qui utilise la danse autrichienne dans une autre forme de jeux du cirque. Chez l’Italien, la question est la mise à mort, alors qu’ici, l’allusion à la fonction reproductrice de ces danses se fait par une allégorie de cage aux lions. Ces mecs mignons au début deviennent des fauves. Leurs physiques différents (brun, blond, barbu, chevelu) rendent le panel encore plus réaliste.
Mayer fait claquer les fouets. Nous y voyons une scène SM à la cour de l’impératrice. Il n’en est rien, apprenez que le bruit que fait le fouet fait partie de cette danse.
Aujourd’hui comme hier, ces enfants sont puissants, la pièce frappe fort et laisse sur la peau des traces contre tous les stéréotypes. Brillant.
Visuel : ©DQ
Le Festival International des Brigittines se tient jusqu’au 2 septembre à Bruxelles. Informations et réservations.