Avec Fampitaha, fampita, fampitàna, la chorégraphe Soa Ratsifandrihana raconte l’histoire que portent les corps à travers une danse décoloniale, mêlant récits radiophoniques, musicaux et chorégraphiques.
Construite en actes successifs, Fampitaha, fampita, fampitana (la comparaison, la transmission, la rivalité en malgache) s’affirme comme un geste identitaire. Dans une démarche volontariste, les 4 interprètes haïtiens, martiniquais, guadeloupéen, malgaches renouent sur le plateau avec leurs origines en exposant à grands traits les étapes d’une histoire qui pourraient les définir.
Face public, les interprètes appellent et nomment leur pays, marquant par là leur état. Issus de la diaspora, ils sont de la première, deuxième ou troisième génération comme on dit. Cette identité fonde leur danse qu’ils veulent à la fois témoignage et revendication. Dans sa quête des strates qui la constituent, la chorégraphe Soa Ratsifandrihana, accompagnée de Audrey Mérilus et Stanley Ollivier et le musicien Joël Rabesolo, nous fait passer par le quadrille pour aller vers des danses d’aujourd’hui, flirte avec le footwork et côtoie la danse contemporaine. Par ce voyage à travers ces danses, elle nous parle des traces de la colonisation que porte en elle la communauté qu’elle a volontairement constitué.
Sur le plateau, sont disposés des tapis, des objets, des éléments identitaires vite balayés par une phrase alliant répétitif et principe d’accumulation qui va et vient du fond de scène vers le spectateur. Cette phrase exécutée par l’un, par l’autre, par les deux en robes et pantalons à la mode XVIIIe siècle devient insistante ; la danse s’affirme fluide et légère, on pourrait la dire « stylée ». Elle marque la première étape du récit d’une domination subie dont on souhaite s’émanciper. À ces rondeurs du geste suivront le carré militaire et la marche à coup de sifflet. Se libérer ensuite dans un lâcher prise corporel assouplit le discours qui apparait malgré tout simpliste à travers une structure chorégraphique un peu trop scolaire pour être convaincante.
La mémoire des corps est là, les vécus s’enchevêtrent, se répondent sans pour autant construire une danse à la hauteur du désir d’élucidation des origines porté par la chorégraphe ; les langages se mêlent certes mais les corps hésitent encore dans cette altérité qui leur est proposée. La communauté nouvelle qui habite le plateau, celle de l’exil, faite d’alliance entre les diasporas se cherche encore, embarrassée par ses héritages dans la quête d’un commun qui ferait sens. Dire, interpeller le public, énoncer ce qui la constitue traverse ainsi un spectacle à la fois sincère et naïf.
À noter / Ce spectacle est la deuxième partie d’une recherche de la chorégraphe sur les liens entre les corps et l’histoire. Il suit le documentaire radiophonique Rouge Cratère qui retrace son voyage à Madagascar que nous ne connaissions pas.
Vu à Chaillot le 12 avril
En tournée actuellement.
Visuel : ©Harilay Rabenjamina