« Sea of Silence » : le naufrage de Tamara Cubas au Festival d’Avignon

par Amélie Blaustein-Niddam
07.07.2024

Si la chorégraphe uruguayenne nous avait « emporté.es par la foule » avec son tube Multitud, sa dernière création nous a transformé.es en statue de sel.

Dès les premières secondes, avant même que le spectacle commence, pendant l’entrée du public, nous détestons ce que nous voyons. Des silhouettes de femmes dans des tuniques fluides sont figées sur un plateau rempli de sel. Au-dessus d’elles est suspendue une structure aux allures vraiment 60’s. La lumière se fait et cette esthétique très datée nous apparaît encore plus. Sur le fond, Sea of Silence est un très beau projet. Il rassemble sept femmes non exilées. En effet, Tamara Cubas a entrepris une recherche au long cours sur les mouvements migratoires qui a donné lieu à plusieurs réalisations. L’idée est une union des voix, ou des cris plutôt, devant fonctionner, on le sent bien, comme une communion faite à la fois pour nous réveiller et nous rendre solidaires. S’intéresser aux « migrantes potentielles », comme Tamara Cubas les nomme, est un axe passionnant.

Comment rester quand son pays est colonisé ? Elles ont toutes tissé des liens avec les autochtones.

Sea of Silence montre cela, cette reconnexion avec leurs racines. Le geste est très théâtral. Le premier tableau est un cri guttural qui fonctionne très bien. Il est âpre, inconfortable, il dit à lui tout seul les affres des grands dilemmes qui dépassent les cadres d’une vie. Mais très vite, la parole devient omniprésente dans un format religieux. Elles assènent des sortes de credo.

Dans une scène, elles déterrent des robes blanches et des bijoux dans le sel, et se placent devant nous, pour dire la difficulté à être et rester debout. L’image est une référence à l’histoire de la femme de Loth transformée en statue de sel pour avoir regardé en arrière afin d’apercevoir Sodome, sa ville en proie aux flammes qu’elle fuyait. Ce récit se transmet dans la Thora, dans la Bible et dans le Coran. Il est par essence interculturel.

Finalement, la pièce va à contresens de son projet de poser le corps des interprètes comme un manifeste. Elles ne sont jamais mises en avant dans leurs singularités et les phrases qu’elles balancent semblent très attendues, alors qu’elles devraient nous transpercer.

Jusqu’au 9 juillet, Benoit XII.

Visuel : © Christophe Raynaud de Lage

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