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27.06.2024 → 06.07.2024

Robyn Orlin à Montpellier Danse « Profession : traductrice »

par Gérard Mayen
27.06.2024

 

De retour dans l’Afrique du sud de ses origines, la chorégraphe s’y met à l’écoute d’une nouvelle génération d’artistes, pour dessiner un horizon qui dépasserait enfin la séparation binaire, et tenace, entre noirs et blancs.

 

L’art de Robyn Orlin est toujours franchement inscrit dans un contexte. N’ayons donc pas peur des outils de l’explicitation, pour aborder sa dernière pièce. Son titre d’abord, tout en longueur, comme d’hab : How in Salts Desert is it Possible to Blossom… Traduction : Comment est-il possible de refleurir dans un désert de sels…

 

Traduction, disait-on ? Justement. En conférence de presse, avant de montrer sa pièce au Festival Montpellier Danse, la chorégraphe – 68 ans aujourd’hui, précise-t-elle, mais toujours en recherche – lâche cette réflexion : « Je me demande quel est vraiment mon métier. Plutôt que chorégraphe, ne devrais-je pas dire que je suis traductrice ? » Traductrice de dimensions animant les jeunes interprètes sud-africains de cette pièce, qu’elle se serait attachée à mieux leur faire jour, plutôt que leur indiquer une écriture chorégraphique toute faite.

 

Il y aurait là une inflexion dans son parcours. Robyn Orlin est une artiste sud-africaine de milieux blancs progressistes, actifs contre l’apartheid. Elle a maintes fois collaboré avec des collectifs artistiques noirs. Mais toujours prévalait son écriture pétrie des acquis plutôt occidentaux de la danse performance, frottée à la déconstruction plasticienne. Cela a-t-il toujours correspondu parfaitement aux aspirations d’un premier mouvement artistique post-apartheid, identitaire, d’affirmation identitaire, nettement afro-africaine ?

 

Le fait est que Robyn Orlin avait fini par quitter ce pays, et s’installer en Europe. En 2024, How in Salts Desert paraît une pièce du retour. Cela, à la faveur d’une nouvelle collaboration, avec l’équipe du Garage Dance Ensemble, qu’elle connaît de longue date. Particularité : cette compagnie de danse travaille dans une région éloignée des grands centres urbains sud-africains. Dans un paysage dévasté par la mainmise extractiviste du capitalisme colonialiste, la ville d’Okiep vit toujours dans une très grande misère économique, sociale, écologique, en proie à des fléaux dont le moindre n’est pas une forte violence de genres. 

 

Quant au fleurissement du titre, il est tout baigné de poésie : une fois par an, le territoire anéanti par l’activité minière se couvre d’un tapis éphémère de 3.500 espèces différentes de marguerites. Beauté en résistance. Dernière touche à ce tableau trop rapide : les habitants de ce secteur sont plus souvent «coloured» que noirs, c’est-à-dire métis selon les catégorisations de l’ancien apartheid. Au temps de celui-ci, ils n’étaient pas assez blancs. Mais voilà qu’on peut leur faire sentir à présent qu’ils ne sont pas non plus assez noirs pour être pleinement reconnus. Et ne s’expriment-ils pas en langue afrikaan, certes dans des variantes très mêlées, que Robyn Orlin trouve très belles, mais qui n’en est pas moins d’origine coloniale.

 

Retour au plateau. Peut-être exagérément centrale, frontale, et un peu surplombante, est disposée une plateforme sur lequel a pris place le duo musical et vocal, lyrique, somptueusement afro-futuriste, Ukhoikoi. Son impact est tel qu’on parlerait volontiers d’un concert chorégraphié, puissant, tonique, somptueux, quitte à raidir en partie la fluidité du rapport scène-salle qui revient aux quatre danseurs et danseuses, et la comédienne qui évoluent en avant.

À pointer quelque réserve, on notera aussi l’abondance rutilante, parfois excessive, du travail vidéographique conduit en live tout au long de la représentation. C’est une constante du travail de Robyn Orlin : multiplier et restituer, en temps réel, les prises de vue sur l’action scénique, mais encore la situation côté salle. Cela multiplie les plans, bouscule les perspectives et les positions installées. C’est une expérience rare pour le spectateur, un chahut des conventions. Mais on a cette fois l’impression que la bride a de trop été lâchée au collaborateur ad-hoc, prenant parfois le dessus, dans une déferlante d’effets.

 

Reste que la présence humaine est toujours formidablement intense, chaleureuse, tumultueuse, dans cette pièce, comme toujours dans une pièce de Robyn Orlin. On y plonge d’entrée, quand les cinq performeureuses sont assis.es en avant-scène, face au public, et plongent dans les facéties d’une vraie fausse panne de micro. Plus tard, l’usage invasif des téléphones portables en prendra pour son grade de détournements.

 

Ainsi en va-t-il d’une jeune africanité impétueuse, inépuisable, toujours en quête de se redresser et d’élargir les horizons du monde contemporain. Si la dynamique est globalement survoltée, une grande nappe de douleurs, mais encore de douceur, empreint la communauté scénique, qui gravite autour d’une matrone dispensatrice de consolation réparatrice. Il en faut, quand même les plus colorés des costumes, les plus endiablées des danses, parfois parodiques, ne suffisent à conjurer le hors-scène des désolations ou l’évocation crue d’un viol.

Sans grand message imparable ni unificateur, mais dans le grand partage d’une invention de vivre ensemble, How in Salts Desert paraît une mosaïque délibérément disjonctive, de sorte que même les spectateurs finissent par être appelés, physiquement debout, à y trouver leur place. Ce goût du partage, par-delà la fureur des principes de séparation, expose son intention réparatrice. Il est certes des pisse-froid théoriques pour s’inquiéter que la place de l’art des artistes risque de s’en trouver minorée.