Attention pépite ! Le Festival d’Avignon présente un solo de cette danseuse australienne dont nous découvrons le nom. Dans une white box ourlé de néons, entre quelques cubes bleus ciel et un miroir penché, elle raconte, se raconte ses débuts dans le monde international de la danse en posant deux questions : quels sont les gestes qui fondent une interprète et doit-on se défaire de ses origines pour entrer dans le mouvement européen et américain ?
C’est donc une seule scène, et pourtant, cette danseuse occupe tellement bien son espace qu’elle semble être plurielle. Pantalon bleu, chemise blanche et baskets, elle nous interpelle par l’anaphore « at the beginning ». Toute la pièce file cette figure de style en partant des grandes fondations de l’histoire australienne et en passant par la création de l’univers tout court. Et au milieu de ce grand tout, il y a elle, elle qui maîtrise les danses traditionnelles maories et aborigènes, mais qui, une fois arrivée dans une classe cunninghamienne ou grahamienne, doit s’en défaire. Que faire des doigts qui tremblent comme s’ils cherchaient à atteindre un piano ? Les ranger pour en faire des prolongations raides du bras, comme chez un Forsythe, ou bien les assumer, les porter.
La force de cette proposition, c’est qu’elle ne choisit pas entre ses identités. Elles sont les fondations de toute sa danse. Elle dit : « J’ai Anne Teresa de Keersmaeker dans mon pied gauche, Yvonne Rainer dans ma bouche, Pina Bausch dans mon genou… »
N’ayez pas peur, Rinse n’est pas un cours sur l’histoire de la danse aux XXe et XXIe siècles. Non, c’est un autoportrait sensible et efficace où le texte de Mish Gregor nous emporte par son humour et ses bonnes phrases.
Entre culture pop et références classiques, la danse est fulgurante. Elle se niche souvent dans les genoux, dans des rebonds frénétiques, avant de se relever dans des lignes parfaites. Le mouvement est précis, il est très beau. En mixant les mondes, elle livre une pièce extrêmement actuelle qui prouve par l’exemple que l’idée de frontière politique est une incohérence. Rinse veut dire rincer en anglais. En dansant, elle fait plus que laver l’ère coloniale anglaise en Australie, elle explose (au sens premier, vous verrez) les carcans qui ont enfermé les danses autochtones dans du folklore pour les réhabiliter dans une intégration fine à tous les courants des mouvements contemporains, jusqu’à Beyoncé, Michael et Janet Jackson même.
Rinse est un solo parfait de bout en bout, sans chute dramaturgique ; il se tient bien tout en multipliant un nombre de sujets profonds, avec une intelligence du corps comme un réceptacle des mémoires autant artistiques que politiques.
Rinse is a vibrant and embodied solo performance where a dancer moves through Australia’s colonial history, traditional Māori and Aboriginal dances, pop culture, and iconic figures of contemporary dance. Without choosing between identities, she embraces them all, delivering a powerful, joyful, and politically charged piece. Mish Gregor’s text supports the performance with sharp humor and poetic resonance — not a dance history lesson, but a sensitive, intelligent self-portrait through movement.
في عرض Rinse، تقدم راقصة منفردة أداءً نابضًا بالحياة تستحضر فيه تاريخ أستراليا الاستعماري، والرقصات التقليدية للماوري والسكان الأصليين، والثقافة الشعبية، وأسماء كبيرة من الرقص المعاصر. العرض لا يختار هوية واحدة، بل يحتضنها كلها، ويقدم سردًا سياسيًا وشاعريًا في آن. بدلاً من محاضرة في تاريخ الرقص، يقدم العرض بورتريهًا ذاتيًا مفعمًا بالحسّ والفكاهة والجمال.
Jusqu’au 22 à 12 h et 18h, Gymnase du lycée Mistral. Durée 50 minutes.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon