Quatre ans après la mort brutale d’Ousmane Sy, le 27 décembre 2020, à l’âge de 45 ans, le festival La Maison d’Uzès donne à revoir Queen Blood, sa pièce précocement testamentaire, en plein air dans le bel espace du Jardin de l’Évêché.
Allauné Blegbo, Cynthia Casimir, Megan Deprez, Selasi Dogbatse, Valentina Dragotta, Dominique Elenga, Nadia Gabrieli Kalati, Linda Hayford, Nadiah Idris, Odile Lacides, Audrey Minko, Stéphanie Paruta sont prêtes à jouer. Elle sont donc sept danseuses, toutes championnes de battle et membres du groupe Paradox-Sal, un groupe d’afro-house exclusivement féminin, fondé par Ousmane Sy, codirecteur du collectif FAIR-E, à la tête du CCN de Rennes et de Bretagne.
Les battles se font au son d’une house par essence vidée du féminin : danser sur de l’électro est totalement androgyne. Ousmane Sy avait dans cette pièce pris le contre-pied en permettant aux filles de déployer leur danse la plus naturelle dans leur diversité de tout : taille, morphologie et couleur de peau.
S’en suit une bonne heure survoltée à la lumière bien écrite de Xavier Lescat. Elles dansent dans les codes hip-hop les plus classiques qu’elles maîtrisent toutes à la perfection. L’alternance se fait fluide entre les solos et les scènes de groupe où le corps commun prime. La bande-son est totalement canon, on y croise Nina Simone ou Famba Nawera. Chaque chanson est de façon formelle le support à un tableau.
Ce qui est intéressant ici, c’est la façon dont la grammaire et l’esthétique street du hip-hop viennent se caler sur les beats de la house. Les filles ont l’occasion de chacune déployer des états de corps vraiment pertinents où les tremblements sont maîtrisés comme les déplacements qui glissent rapidement. Le buste est forcément assez tenu, presque comme des boxeuses. Il y a du combat bien sûr ici, mais avec une bienveillance palpable.
La pièce ne prétend pas remettre en jeu toute la syntaxe urbaine, mais juste de s’éclater avec une bonne dose de talent. Regards serrés, elles dévissent plus vite et déploient une urgence de danser viscérale.
Néanmoins, malgré la volonté testamentaire et la générosité intacte de la proposition, on peut regretter une dramaturgie un peu trop légère. Queen Blood ne fait que survoler les origines africaines du rythme house pour traduire ce lien en danse. Ousmane Sy est mort alors qu’il était en plein terrain de recherche, près à explorer encore plus.
Le Festival La Maison Danse Uzès continue jusqu’au 9 juin.
Visuel : ©Sandy Korzekwa