Du 21 décembre 2024 au 5 Janvier 2025, Le Ballet national d’Ukraine présente au Théâtre des Champs Élysées, la Reine des neiges dans la version originale de Hans Christian Andersen.
Ce samedi soir, l’avenue Montaigne est illuminée par les décorations de Noël. Tous les arbres sont éclairés, nous sommes dans une forêt d’or. Il suffit de suivre les enfants, ils nous mènent au Théâtre des Champs Élysées. La magie peut commencer.
Le conteur et poète danois Hans Christian Andersen a écrit La Reine des neiges, en quelques jours, en 1844. L’histoire du conte est bien connue. Gerda et son ami Kai se retrouvent à une fête, dans un village nordique. Des créatures diaboliques, les trolls créent un miroir maléfique « qui supprime le reflet de ce qui est bon et accentue ce qui est mauvais ». La Reine des neiges apparaît dans le miroir et le brise. Blessé à l’œil et au cœur par un fragment du miroir Kai devient un être froid, indifférent. Il suit la Reine des neiges et disparaît. Gerda décide de partir à sa recherche jusque dans le palais glacé de la Reine des neiges. Mais la pureté de son amour lui permettra de libérer Kai.
Comme les enfants, les adultes seront séduits par cette « belle histoire », mais ils seront aussi touchés par le retour, du Ballet national d’Ukraine. Résidant à l’Opéra Taras Chevtchenko de Kiev, son répertoire est riche de 24 ballets et malgré les aléas de la guerre, ses 150 danseurs continuent à travailler. Il y a juste deux ans, leur venue à Paris avait beaucoup ému les spectateurs qui avaient chanté l’hymne ukrainien lors de la dernière représentation.
Bien sûr la technique est parfaite. La Reine des neiges (Yrina Borysova) danse avec élégance et majesté. Elle peut aussi être dominatrice, inquiétante. Gerda (Tetiana Lozova) est légère, gracieuse, aérienne. Son talent lui permet de danser avec une apparente totale facilité. Kai (Yaroslav Tchachuk) est impressionnant par la force qu’il dégage, par sa totale maîtrise du mouvement. Tous, par leur talent de danseurs mais aussi d’acteurs, nous parlent, nous transmettent leurs émotions. Gerda nous touche par sa gentillesse, sa bienveillance mais aussi sa peur, son courage. Après sa blessure au cœur, la métamorphose de Kai est frappante : subitement il devient froid, distant, perplexe. Ses mouvements sont devenus brusques, mécaniques, comme ceux d’un pantin. Les duos sont contrastés. La froideur enveloppe celui de la Reine des neiges et de Kai. Même lorsqu’ils dansent ensemble, la distance reste palpable. Les duos d’amour de Gerda et de Kai sont au contraire illuminés par leur complicité, leur tendresse, leur abandon.
Il faut rendre hommage au corps du ballet. Les trolls sont remarquables : vêtus de noirs, agressifs, menaçants, dès qu’ils apparaissent la tension est palpable. La danse des brigands est un moment à part. Dans une sombre forêt, ils volent à Gerda sa cape et son manchon rouges. Leur danse est très rythmée, elle devient frénétique, guerrière avec les cris des danseurs et les claquements des pistolets. Nous pourrions imaginer une danse de cosaques. Un moment très apprécié par le public.
Dans ce spectacle, la beauté est au rendez vous, grâce à la musique d’abord. L’orchestre Prométhée est dirigé par le chef ukrainien Sergii Golubnychyi. La Valse de la Symphonie Fantastique de Berlioz nous ravit de bonheur lors de la fête villageoise. La mazurka du ballet Le Papillon de J. Offenbach convient parfaitement au moment de légèreté et d’insouciance que vit Gerda dans le jardin magique. La musique de la compositrice Augusta Holmes accompagne la fin du ballet. Elle est lourde, pesante, menaçante même, lorsque Gerda tente de libérer Kai de l’emprise de la reine des neiges. Elle devient douce et romantique lors du duo d’amour final.
Les décors et les costumes sont somptueux. Ils donnent une dimension picturale aux différents tableaux qui composent le ballet. L’apparition du miroir maléfique est spectaculaire. Avant que n’apparaisse la Reine des neiges le miroir est rempli d’un magma mouvant. Nous sommes comme dans l’œil d’un cyclone. Ce décor est d’une grande modernité. Le jardin magique réalise un tableau aux couleurs douces, pastelles, harmonieuses. Les costumes verts aux pétales roses, des « fleurs dansantes » sont superbes. Nous sommes dans un rêve d’enfant. Le jeu des couleurs est réussi aussi lors de l’arrivée au palais de la Reine des Neiges. Le bleu glacé du château et des rochers contraste avec le noir des trolls et le blanc immaculé des danseuses de l’armée des flocons.
A en croire les applaudissements fournis, le public a été séduit par la beauté de ce ballet, par sa réussite esthétique. Après avoir admiré ce conte qui raconte la lutte du bien et du mal, nos regards ne peuvent que se retourner vers l’Ukraine. Vers ces presque trois ans de guerre ! Mais ce soir grâce au ballet national d’Ukraine « la lumière a pu vaincre l’obscurité, la beauté a pu vaincre la destruction ».
Visuel(c) : La Reine des neiges-Ballet national d’Ukraine