Le Festival de Marseille invite Candoco Dance Company, une figure majeure de la danse inclusive au Royaume-Uni. À l’issue de la représentation, Marie Didier nous explique que cette compagnie est connue pour ses collaborations. Cette fois, elle invite Dan Daw, chorégraphe australien, performeur queer et artiste de l’intime. Sa compagnie, qu’il dirige avec Liz Counsell, tous.tes deux en situation de handicap, Dan Daw Creative Projects s Ensemble, ils signent Over and Over (and over again), une rave 90’s contagieuse.
Quand on sort d’un spectacle avec un geste en tête, c’est bon signe. Celui d’Over and Over est le suivant : Temitope Ajose arrive et tente d’enlever son bomber récalcitrant. Cela l’oblige à engager fortement ses bras et son torse. Elle envoie tout son corps dans une danse à l’énergie vitale, qui se glisse en nous immédiatement. Très vite, on se rend compte qu’elle n’est pas seule. Elle est rejointe par une troupe qui reprend ce même geste. Nous découvrons Anna Seymour, Annie Edwards, James Olivo, Maiya Leeke et Temitope Ajose. Chacun·e est différent·e. L’une est en fauteuil roulant, l’autre est de petite taille, une autre est racisée, une est sourde, d’autres portent des stigmates invisibles.
C’est toute la diversité d’une humanité qui est représentée sans chercher à la dissimuler.
La plupart du temps, les spectacles mettant en scène des artistes en situation de handicap cherchent à faire oublier ce handicap, dans une volonté d’inclusion par la norme. À force de regarder, la différence devient ordinaire, jusqu’à s’effacer. Mais il existe une autre façon de militer : au contraire, montrer les différences pour en faire des singularités à reconnaître, sans détourner le regard. On a vu cela lors de la dernière Biennale de théâtre de Venise, où David Lodice redonnait de la visibilité à des personnes atteintes de pathologies souvent invisibilisées dans l’espace public.
Over and Over s’inscrit dans cette veine. Ce n’est pas une pièce remarquable, ni dans sa dramaturgie, ni dans son esthétique. Elle enchaîne les tableaux figuratifs, dans une lumière un peu datée. Mais étonnamment, cela ne suffit pas à en faire un mauvais spectacle.
Chaque séquence est portée par un mot, défini avec bienveillance. C’est surtout l’occasion de voir danser des artistes habité·es par un désir fort. Quand Maiya Leeke apparaît sur son fauteuil, ses jambes inertes fourrées dans des bottes à talons argentés, un haut à paillettes sur le dos, on ne peut regarder qu’elle. Lorsqu’elle déplie ses bras et sa nuque, qu’elle leur donne une mobilité faisant tourbillonner son assise devenue agrès, elle nous éblouit.
Quand Annie Edwards se confronte à James Olivo, qui fait deux fois sa taille, c’est lui qui se met à genoux pour la regarder dans les yeux et offrir un pas de deux pop délicieux.
On retient de cette pièce cette énergie et cette vitalité urgentes, qui montrent comment faire ensemble avec des diversités majeures.
À voir le 22 juin à 21:15 à La Friche
Le festival de Marseille se déroule jusqu’au 6 juillet
Visuel : © Festival de Marseille