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Outredanse dans le noir de l’Onyx au Festival Trajectoires

par Marc Lawton
16.01.2024

Salle comble avant-hier après-midi dimanche 14 janvier à Onyx, au théâtre de Saint-Herblain (Loire-Atlantique, agglomération nantaise) et scène conventionnée pour la danse, pour Les yeux fermés par la compagnie de danse yonnaise S’Poart (création 2022).

 

Cette magnifique pièce incarne une conjonction heureuse pour Mickaël Le Mer, chorégraphe né en 1977 et directeur artistique de cette compagnie de danse hip-hop conventionnée, implantée à La Roche-sur-Yon (Vendée) : Les yeux fermés résultent en effet de la rencontre de cet artiste avec l’œuvre de Pierre Soulages (1919-2022). S’il connaissait Soulages par l’intermédiaire de son père, peintre amateur qui lui a transmis sa curiosité pour les arts plastiques, c’est au moment du décès de ce dernier que le chorégraphe, grâce à un documentaire sur Soulages vu sur internet, a vécu une belle synchronicité début 2020. Les propos de Soulages et de ses proches, ses notions spécifiques de « noir-lumière » et d’« outrenoir », inventées pour parler de la matière de sa peinture et de la volonté de ne pas en éliminer le reflet, ainsi que sa démarche d’une peinture devenue uniquement mono-pigmentaire à partir de 1979, a convaincu Le Mer que de l’obscurité du deuil qu’il traversait, une lumière pouvait émerger. 

Ce message fort et ce choc esthétique reçus par l’intermédiaire de l’œuvre du peintre, lui ont donc donné envie de décliner cette émotion par la danse avec sa compagnie. Il travaille professionnellement depuis 2007 et sa pièce inaugurale In vivo fut suivie d’autres très réussies comme Na Grani, Rouge et Butterfly. Pour Les Yeux fermés, il a emmené son équipe artistique – composée de Guillaume Cousin, scénographe, Nicolas Tallec, créateur lumières et David Charrier, compositeur – à Rodez, au musée Soulages, ouvert en 2014. Beaucoup de choix et de révélations ont eu lieu dans ces deux jours passés en Aveyron, dans la résonance de ce magnifique équipement où a été déposée par le peintre une importante collection permanente de ses œuvres. Soulages est décédé en octobre 2022 à l’âge de 102 ans.

La pièce, dansée par huit interprètes, se distingue par la parité (quatre danseuses et quatre danseurs) et par le fait qu’ils dansent tous pieds nus, usage peu fréquent dans les danses de la culture hip-hop. Une scénographie en fond de scène, constituée de quatorze éléments tournants de trois mètres cinquante de haut, va permettre de faire progressivement varier l’espace et constitue un décor puissant. Il se transformera, notamment en pivotant pour révéler sa face cachée recouverte de miroirs, un effet similaire étant déjà présent dès l’ouverture du rideau avec le tapis de danse noir et brillant recouvrant la scène. Cet effet dédouble tout ce qui se trouve sur le plateau.

Une fois la trame visuelle décidée entre les trois artistes, les répétitions avec les danseurs purent commencer. L‘équipe a travaillé à la scène nationale Le Grand R de La Roche s/Yon où Le Mer a été artiste associé. Il y a aussi croisé nombre de chorégraphes (dont Daniel Larrieu) et a ouvert sa perception de ce que pouvait être sa propre danse grâce à la programmation pointue de ce lieu, élaborée par l’avisée et ancienne directrice adjointe Sonia Soulas. Certains de ses danseurs ont un parcours hybride bienvenu, s’étant frottés à ses propres cours (la compagnie dispense beaucoup de cours et ateliers sur l’agglomération) mais aussi en contemporain et classique à ceux du conservatoire départemental (où a longtemps enseigné le chorégraphe Dominique Petit), voire à l’option de spécialité du lycée voisin Mendès-France. 

Même s’il vient du break dance, Mickaël Le Mer propose une danse ample, sensuelle, parfois offensive (dimension inhérente aux battles qu’il a beaucoup fréquentés et que ses danseurs pratiquent toujours) mais aussi lyrique et profondément abstraite. Pas de narration, mais des rencontres humaines, pas d’affrontements mais des complicités nées d’heures d’improvisations, de confiance en l’autre, de contact et de prises d’espace généreuses. Le Mer a très tôt voulu casser les codes de ces danses hip-hop des années 1990, qui interdisaient les contacts entre danseurs et privilégiaient la frontalité. Même si la plupart des interprètes de l’équipe des Yeux fermés sont français (une est catalane), certains d’entre eux ont des origines extra-européennes (Asie du sud-est, Maghreb notamment) mais cette diversité n’est pas revendiquée. Le groupe est homogène, aidé notamment par les costumes noirs identiques pour tous. Ceux-ci s’allègent petit à petit, se raccourcissant et révélant la peau que la lumière vient illuminer de plus en plus. 

On est transportés par la succession fluide de séquences agencées avec un sens convaincant de la composition, qui fait alterner les groupes avec solos ou duos. Le Mer sait ménager au moment qui l’exige un silence bienvenu, faisant taire quelques minutes la partition musicale très réussie de David Charrier, dont c’est la première collaboration avec la compagnie. Porteuse, enveloppante ou rythmée, cette bande-son sait se fondre dans le mouvement, entre ombre et lumière, sans être envahissante.


La première moitié de la pièce reste sobre, présentant les danseurs chacun dans son couloir dans une dominante sombre qui s’éclaire petit à petit, leurs mains goûtant à l’avant-scène à un bain de lumière. Elle se termine par une scène apportant une tension : un large luminaire carré descend des cintres et un danseur le manipule à mains nues. Cet effet simple, presque expressionniste, crée un déséquilibre sur le plateau, avec une pénombre tranchant sur la lumière crue de la partie éclairée. 

La deuxième partie voit se multiplier les transformations du fond de scène, les éléments tournants révélant tantôt une face opaque à dominante discrète jaune, grise ou verte, tantôt un miroir, démultipliant les danseurs et les reflets des coulisses. Des effets de contrejour viennent aussi réjouir les yeux, les danseurs se découpant en ombres chinoises et des arrêts sur images émaillent ponctuellement l’écriture du spectacle. Le sol même du plateau est par moments fragmenté en couloirs allant d’un côté de la scène à l‘autre, les projecteurs latéraux éclairent tantôt le bas des corps, tantôt le haut et cette succession sans temps morts ne lasse pas. Adroit dans l’alternance du vide et du plein, le chorégraphe sait ménager ses surprises. Entrant et sortant souvent de scène, s’étant approprié l’espace, les danseurs précis et virtuoses que sont Wilfried, Dara, Audrey, Jeanne, Teddy, Agnès, Fanny et Elie révèlent chacun.e une belle intériorité, sensible notamment dans les solos et duos. 

Dans Les Yeux fermés, le but ambitieux recherché par Le Mer tient de la gageure : faire ressentir au spectateur qui reste sur son siège les sensations éprouvées devant une des toiles grand format de Soulages, dont on ne peut apprécier les reflets et l’« outrenoir » qu’en se déplaçant et en modifiant son propre regard. Le pari est réussi.

Le chorégraphe, qui avoue avoir eu pendant longtemps du mal à s’endormir le soir, peut à présent avec cette pièce achevée fermer les yeux sans crainte et « terminer sa journée » tout comme, à la fin des Yeux fermés, le rideau de scène se ferme comme une paupière géante, alors que la danse se poursuit derrière, infatigable. 

Notons aussi que la dernière pièce e la compagnie, intitulée Vivantes, comporte une distribution entièrement féminine. Cet hommage aux femmes est une preuve supplémentaire que le cliché d’une danse hip-hop qui ne serait que masculine est aujourd’hui largement dépassé.

La compagnie S’Poart (prononcer Espoir) est aussi très active en action culturelle, à La Roche-sur-Yon comme en Vendée, mais aussi grâce aux Olympiades culturelles, partenariat triennal dans lequel le ministère de la Culture vient appuyer, autour de 2024, année olympique en France, l’engagement d’une collectivité, ici le conseil départemental des Vosges où Le Mer est artiste associé. Dans ce territoire surtout rural, le travail d’atelier concerne le milieu scolaire et hospitalier, carcéral et EHPAD (700 heures annuelles à raison de deux ou trois danseurs intervenant une semaine par mois). Le break étant devenu discipline olympique, l’équipe bien formée sait intervenir auprès de tous les publics en déclinant à sa façon la thématique « danse et sport ». Des petites formes (solos, duos) au répertoire de la compagnie sont utilisées pour mettre les publics en lien direct avec la danse. Elles sont complétées parfois par des conférences. Signalons enfin que Le Mer est artiste associé aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux (92), où a été créée Vivantes en novembre dernier.

Comme par un clin d’œil spécifique à Trajectoires pour Les yeux fermés, le théâtre Onyx se trouve être un cube entièrement noir, construit en 1988 par le cabinet Jean Nouvel, une commande de la Ville de Saint-Herblain dont le maire à l’époque était un certain Jean-Marc Ayrault. L’onyx est une pierre souvent noire, semi-précieuse et exotique, variété d’agate qui, dit-on, a le pouvoir de renforcer l’intuition, la purification et la guérison. Réjouissante convergence donc entre danse, peinture et architecture pour le public de Nantes et d’ailleurs, à l’occasion de cette représentation très applaudie !

Marc Lawton

L’auteur remercie M. Le Mer pour sa disponibilité (interview par téléphone).

 

 

Dates : 

  • Les yeux fermés à La Rampe, Echirolles (38), le 6 février ; au Trident, scène nationale de Cherbourg (50), le 15 février ; au théâtre de Laval (53), centre national de la marionnette, le 22 février ; au Cube, Douvres-la-Délivrande (14), le 12 avril ; au Rayon Vert, Saint-Valéry-en-Caux (76), le 16 avril ; au théâtre de la ville, Saint Lô (50), le 19 avril
  • Vivantes au CYEL, La Roche-sur-Yon, les 16 et 20 janvier ; au théâtre Edwige Feuillère de Vesoul (70), scène conventionnée, le 25 janvier ; au théâtre Jean Vilar de Suresnes (92), les 27 et 28 janvier dans le cadre de Suresnes Cité Danse

 

Le festival Trajectoires se tient à Nantes jusqu’au 21 janvier. Informations et réservations.

Visuel : ©DR