L’artiste iranien, exilé en Europe depuis plusieurs années, est en résidence à Montpellier Danse. L’année dernière, il présentait Shiraz, qui explorait, à travers le mouvement corporel, la disparition de la liberté en Iran il y a un demi-siècle. Pour Of the Heart – An Etude, il signe un solo aux lignes claires.
Nous voici dans la Cour de l’Agora, pendant l’entrée du public, placé en arc de cercle. De la musique traditionnelle persane retentit, immédiatement enivrante, enveloppante. Elle pourrait presque devenir électronique, mais non. Quand Katherina Jitlatda Horup Solvang, décidée, traverse l’espace pour en atteindre l’ultra-centre, la musique devient presque rock.
Elle se place en baskets, short et haut blanc légèrement vaporeux. Elle amorce, elle nous sert une oscillation des deux épaules, emblématique de la danse orientale. Juste une seconde, comme ça, on sait qu’elle sait.
Le geste de la pièce se compose des deux bras pliés à l’avant du buste, dans un triangle improbable, les doigts face à face, comme en attente d’un contact jamais advenu. Une hanche se soulève, sans prévenir, histoire de nous dire : regardez, je sais d’où vient cette grammaire-là.
En conférence de presse, Armin Hokmi parlait de cette pièce comme d’une « étude », au sens musical autant que chorégraphique, qui annonce une œuvre plus vaste à venir (Repertoire (Bazm), prévue pour 2026). Ce solo a déjà pourtant tout d’une œuvre en soi. Trente-cinq minutes parfaites. Il dit : « Le cœur est considéré comme une prothèse du corps », l’organe dirige donc le muscle.
Katherina Jitlatda Horup Solvang, magnétique, dessine des angles précis, des verticales nettes, des lignes qui s’échappent aussitôt qu’elles se forment. Son buste se tord, ses omoplates dialoguent en silence. Chaque geste semble venir de l’intérieur – le cœur, donc – porté par une sorte de soubresaut intime. Une plongée du coude amorce un soulèvement du torse. Une jambe se tend, raide, tandis qu’une hanche s’élève sans appui. Le tout compose une danse presque automate, comme un organisme programmé par une mémoire archaïque.
Rien n’est laissé au hasard, ni les plis des genoux, ni les transitions en rupture avec la musique signée ehsan & HEiCH, ni la profondeur des pliés. Et pourtant, tout semble surgir, affleurer, glisser hors de toute attente. C’est une pure étude du geste, comme on les adore, où le chorégraphe s’amuse à explorer toutes les possibilités provoquées par une contrainte : celle du pli.
Dans un rapport direct entre le ciel et la pierre, en connexion avec les jolis et minuscules graviers de la Cour, il a redonné vie à ce lieu un peu endormi.