À la Biennale de la danse de Lyon, François Chaignaud retrouve Nina Laisné avec laquelle il a créé le chef-d’œuvre Romances inciertos, pour un nouveau projet à la fois drôle, décalé et percutant, où le danseur s’envole dans un geste qui semble rassembler toutes ses passions.
Nous voici face à l’escalier en carton-pâte d’un palais en ruine. Il n’en reste plus qu’un sol suspendu, les murs ont disparu. Et sur cette estrade haut perchée se trouvent trois musiciens qui jouent une triste mélodie au trombone. Au sol, un chevalier gît, il a l’air d’un cadavre, transpercé d’une épée. Le crâne a beau être nu, on reconnaît au premier coup d’œil le corps aux cuisses solides de François Chaignaud. Il se met en mouvement sur le ton super-drama. Son corps se soulève comme revenu des entrailles de l’enfer, l’épée retirée et désormais lui servant de repose-dos. Mais, on le sent, la vie va reprendre ses droits et le réveiller en lui apportant son lot de désir, de perte, de deuil, de retour à la terre. Nadia Larcher lui apparaît, elle aussi vêtue d’une improbable combinaison à chair ouverte. Elle est chanteuse et compositrice de musique populaire argentine, son pays natal. Le corpus des chansons est donc issu de la culture populaire argentine pour la plupart.
Et puis, François s’est mis à danser. À danser pour de bon dans des pivots infinis, des ouvertures de hanches abyssales et une force tellurique. Danser comme lui seul danse, habité par le mouvement, infatigable. Quand il est là, on ne peut regarder ailleurs, il fait disparaître le décor et les costumes au deuxième regard. Au premier, on s’amuse devant la folie du geste si cabarétique. Tous les codes d’un show drag sont là, y compris un moment de lipsync où les lèvres bougent, la bouche grande ouverte. Un show drag, c’est-à-dire un lieu où les genres sont abolis pour être décuplés, où tout est immense : les guêtres couleur or, comme les perruques monumentales, ou encore les ongles aux allures de griffes argentées.
Au fur et à mesure, on fond dans ce conte qui ne choisit pas entre concert et chorégraphie. Les morceaux de musique sont merveilleusement joués et nous embarquent dans des ailleurs nostalgiques ; les airs et les chants nous ramènent au temps qui passe et à la solitude inéluctable. Et au centre de tout cela, le duo composé de François et Nadia devient une apparition hors du temps et de tout code. Désormais François règne, tout en haut de ce décor super kitsch : il ramène une jambe au-delà du vide, presque au bord de la chute, avant de repartir dans des frappés de sol qui font vibrer la salle. Une nouvelle fois, cet immense artiste, désormais à la tête du CCN de Caen, prouve que son corps est un acte en soi.
This performance unfolds like a surreal tale where concert and choreography intertwine. François Chaignaud, resurrected knight and magnetic dancer, joins forces with Argentine singer Nadia Larcher in a space where tragedy meets cabaret, ritual meets drag show. The stage, a fragile ruin, becomes both battlefield and cabaret, where bodies transcend their limits. Chaignaud’s dance—fierce, infinite, uncontainable—draws all eyes, while Larcher’s voice summons the memory of a popular Argentine repertoire. Together, they create an apparition beyond time, weaving desire, loss, and power into an experience that is at once intimate and monumental.
La Biennale de la danse de Lyon se tient jusqu’au 28 septembre, à Lyon.
A voir à Paris au Théâtre de la Ville du 28 au 30 novembre 2025
Visuel : © Nina Laisné